Tchad : deux mois après l’incursion rebelle, Déby veut sécuriser le nord

Deux mois après l’entrée au Tchad d’une colonne rebelle, le président Idriss Déby Itno continue à afficher sa volonté de reprendre la main sur le Tibesti, province du nord du pays frontalière avec la Libye, où opèrent trafiquants, orpailleurs mais surtout rebelles.

Idriss Déby Itno, au palais présidentiel à N’Djamena en 2016. © Andrew Harnik/AP/SIPA

Idriss Déby Itno, au palais présidentiel à N’Djamena en 2016. © Andrew Harnik/AP/SIPA

Publié le 6 avril 2019 Lecture : 3 minutes.

« Idriss Déby est obnubilé par ce qu’il se passe dans le nord », analyse le spécialiste français Roland Marchal, chercheur à Sciences-Po.

L’obsession du président Déby, arrivé au pouvoir par les armes en 1990 avec l’aide de Paris, s’est encore accentuée avec l’entrée début février d’une colonne de rebelles tchadiens, venue de Libye, par le nord-est du Tchad.

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Une irruption jugée suffisamment inquiétante par le président pour qu’il appelle à l’aide son allié français, qui a procédé à des frappes aériennes pour stopper cette avancée.

« Après l’incursion, et avec la présence de certains éléments rebelles dans le sud libyen, le chef de l’État prend des mesures pour parer à toute éventualité », confie une source proche de la présidence.

Depuis février, le régime multiplie les annonces sécuritaires en direction du Tibesti.

Début mars, le ministre de la Sécurité, Mahamat Ali Salah, y part en mission plusieurs jours. Accompagné de la télévision tchadienne, il y annonce la fermeture de la frontière avec la Libye.

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« Cette zone est devenue un carrefour de tous les malfrats, des terroristes et des rebelles », déclare-t-il face caméra, entouré de militaires.

Il proclame également « le désarmement de toute la population » et « l’interdiction formelle d’orpaillage ».

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Les jeunes, proie des rebelles

Chaque soir devant leur télévision, les Tchadiens suivent l’avancée du ministre et des troupes déterminés à reprendre les sites aurifères aux orpailleurs.

« Il s’agit surtout d’une grande campagne de communication, plutôt qu’une vraie reprise en main du territoire », tempère Alladoum Nadingar, chercheur au centre d’analyse International Crisis Group (ICG).

« La frontière fait plus de 1400 km, et l’armée n’a pas les ressources nécessaires, notamment en eau, pour s’installer de façon permanente sur ce territoire », ajoute-t-il.

Cette « campagne » destinée à montrer que l’armée tient le territoire veut également dissuader les jeunes Tchadiens de se lancer dans l’orpaillage illégal.

« La poussée de Haftar gêne les groupes rebelles »

Au Tibesti, des sites d’orpaillage parsèment les reliefs désertiques. Chaque jour, de jeunes gens, contraints de quitter leur village pour des raisons économiques, viennent s’y installer.

Ils « partent chercher de l’or, mais une fois sur place, nombre d’entre eux ne trouvent rien. Ils n’ont même pas de quoi revenir dans leur région, alors ils sont facilement recrutés par les rebelles », ajoute le chercheur.

Leur proximité avec les groupes rebelles, qui ont élu domicile de l’autre côté de la frontière dans le sud libyen, inquiète N’Djamena.

D’autant plus que les rebelles, autrefois statiques, sont déstabilisés depuis plusieurs mois par l’avancée des troupes libyennes du maréchal Khalifa Haftar, qui a lancé une vaste offensive vers le sud début 2019.

« La poussée de Haftar gêne les groupes rebelles, qui sont désormais susceptibles de traverser la frontière, faute d’endroit où aller », explique Roland Marchal.

« Tout individu qui se trouvera dans la zone sera considéré comme terroriste », avait déclaré le ministre de la Sécurité lors de son déplacement dans la région.

« Traquer les bandits »

Le ministre, de retour à N’Djamena mi-mars, s’est de nouveau rendu dans le Tibesti moins de deux semaines plus tard.

Il y a annoncé cette fois la création d’une force de sécurité mixte, composée de gendarmes, de policiers et de militaires. Leur mission: « sécuriser la frontière » et « traquer les bandits et les terroristes ».

« La brigade mixte en question est constituée essentiellement d’éléments de force de défense qui opèrent déjà dans les garnisons du nord, je ne vois pas ce que cette brigade peut faire », s’interroge une source militaire à N’Djamena.

Au même moment, le président Déby signe un décret réorganisant l’appareil sécuritaire.

Il remplace notamment son chef d’état-major général des armées et nomme également un général, originaire du Tibesti, conseiller à la présidence chargé de la Défense nationale.

« La dernière incursion a montré des failles au sein du système de sécurité au nord », explique un officier de l’armée sous couvert d’anonymat.

« Des complicités ont été décelées, voilà pourquoi le président a remodelé le système de sécurité », ajoute-t-il.

Selon des experts, le chef de l’État est de de plus en plus « paranoïaque ». Il n’aurait qu’une peur: que les rebelles s’unissent, et qu’une partie de l’armée, extrêmement divisée, les rejoignent pour le renverser.

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