Sénégal : Macky Sall souhaite diriger le pays en se passant de Premier ministre

Le président Macky Sall a-t-il décidé d’orienter le Sénégal vers un régime de type présidentiel en confiant à son Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne, reconduit samedi, la tâche de supprimer à moyen terme la fonction de chef de gouvernement ? Une réforme institutionnelle d’importance, dont les contours n’ont pas encore été détaillés.

Meeting de Macky Sall à Tivaouane le 18 février 2019. © Présidence du Sénégal

Meeting de Macky Sall à Tivaouane le 18 février 2019. © Présidence du Sénégal

Publié le 6 avril 2019 Lecture : 3 minutes.

Attendu depuis l’investiture de Macky Sall, le 2 avril, le nom du nouveau Premier ministre du Sénégal n’a pas suscité un grand étonnement, samedi 6 avril, tant Mahammed Boun Abdallah Dionne, en poste depuis juillet 2014, semblait le mieux placé pour se succéder à lui-même.

Membre de la garde rapprochée du chef de l’État, cet ingénieur de formation, passé par la BCEAO et l’ONU, avait notamment été son chef de cabinet lorsque Macky Sall était le Premier ministre d’Abdoulaye Wade.

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Beaucoup plus surprenante est l’annonce faite par l’intéressé quelques minutes après sa nomination : il devra en effet préparer la suppression de sa propre fonction. Le président sénégalais lui a confié la tâche de présenter à l’Assemblée nationale, où il dispose d’une confortable majorité, une réforme qui « passera par la suppression de l’échelon intermédiaire de Premier ministre », a lui-même expliqué Mahammed Boun Abdallah Dionne depuis le palais présidentiel.

« Ce dont il s’agit, c’est de diminuer les goulots d’étranglement pour que l’information circule davantage » et pour que les réformes aient « davantage d’impact pour les populations », a-t-il souligné.

Pendant la période de transition, Mahammed Boun Abdallah Dionne cumulera ses fonctions à la Primature et celles de nouveau secrétaire général de la présidence de la République, dont les bureaux sont situés dans le palais présidentiel. Ensuite, « la deuxième fonction qui m’a été confiée prendra le dessus, bien entendu », a-t-il précisé.

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« Nouvelle dynamique »

Macky Sall a décidé « d’insuffler une nouvelle dynamique à la conduite des affaires publiques » avec pour objectifs « la simplicité dans l’organisation », « la souplesse dans l’action » et « la clarté et la lisibilité des échelles de responsabilités », avait, peu avant, expliqué le secrétaire général de la présidence de la République sortant, Maxime Jean-Simon Ndiaye, désormais secrétaire général du gouvernement.

Le chef de l’État a donc décidé de « reconsidérer » la fonction de Premier ministre pour « être lui-même au contact direct avec les niveaux administratifs » chargés de conduire ses politiques, selon Maxime Jean-Simon Ndiaye.

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« Il faudra faire une modification du poste de Premier ministre. Il faudra que l’on puisse répondre avec célérité aux demandes des populations et à la demande récurrente des jeunes sur l’emploi, aux questions de développement et à l’accès universel » aux services publics, avait confié dans l’après-midi Macky Sall à Mahammed Boun Abdallah Dionne, selon des images télévisées de leur entretien.

« Une fois la réforme passée, vous pourrez m’aider dans le suivi de la mise en œuvre de l’action du gouvernement », lui avait-t-il expliqué.

Réforme constitutionnelle

Au Sénégal, cette proposition de réforme inattendue a laissé sans voix la plupart des commentateurs. Macky Sall ne l’avait en effet jamais évoquée durant la campagne électorale, pas plus qu’il en a tracé les contours lors de ses récentes allocutions. Ni le 2 avril, à l’occasion de son investiture, ni le lendemain, lors de son adresse à la nation pour la fête nationale.

La suppression du poste de Premier ministre, qui aboutirait de facto à faire du président de la République le chef du gouvernement, est-elle l’indice d’une volonté de réformer en profondeur le régime sénégalais, afin de le faire évoluer vers un régime de type présidentiel ? Dans un tel scénario, les prérogatives respectives des pouvoirs exécutifs, législatif et judiciaire se trouveraient profondément remaniées.

Une telle réforme devrait être soumise au peuple sénégalais par référendum

« Macky Sall devra faire adopter une réforme constitutionnelle car la loi fondamentale définit dans plusieurs de ses articles le rôle du Premier ministre, analyse l’opposant Thierno Bocoum, de la coalition Idy2019, interrogé par Jeune Afrique. Il pourrait bien sûr le faire à travers un vote qualifié de l’Assemblée nationale. Mais sachant que cette réforme ne fait pas partie de ses promesses électorales, il serait souhaitable qu’il choisisse plutôt la voie du référendum. »

L’exécutif n’a, pour l’heure, donné aucune précision sur l’évolution de la relation entre le gouvernement et le pouvoir législatif qu’induirait la réforme envisagée. Actuellement, le Premier ministre est en effet responsable devant le Parlement. L’article 75 de la Constitution prévoit que « l’Assemblée nationale peut provoquer la démission du Gouvernement par le vote d’une motion de censure ».

« Si l’on devait changer totalement de régime pour aller vers un régime présidentiel, il serait nécessaire qu’un vrai débat ait lieu et que cette réforme soit soumise au peuple sénégalais par référendum », estime Thierno Bocoum.

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