[Tribune] Sibeth Ndiaye, l’arbre qui cache la forêt

En ce début avril, les réseaux sociaux francophones se sont emballés autour de la nomination de Sibeth Ndiaye, conseillère en communication et femme politique d’origine sénégalaise, au poste de secrétaire d’État porte-parole du gouvernement français. Complimentée par les uns, elle est couverte d’injures racistes par les autres.

Government’s spokesperson Sibeth NDiaye gives a press conference following a cabinet meeting at the Elysee Presidential palace in Paris, France, on April 01, 2019. © Blondet Eliot-POOL/SIPA

Government’s spokesperson Sibeth NDiaye gives a press conference following a cabinet meeting at the Elysee Presidential palace in Paris, France, on April 01, 2019. © Blondet Eliot-POOL/SIPA

Hervé Mahicka © DR
  • Hervé Mahicka

    Essayiste, consultant spécialisé dans l’économie du développement et la gouvernance

Publié le 9 avril 2019 Lecture : 2 minutes.

Les réactions des deux fronts, en apparence opposées, se fondent toutefois sur un seul et même fait : la trop grande rareté des personnes issues de la diversité, et notamment noires, au sein de l’élite française.

Ces citoyens à part entière font marcher beaucoup d’entreprises et d’administrations de l’Hexagone. Mais combien, parmi eux, ont été nommés à leur tête, PDG d’une grande société, général dans l’armée, commissaire général de police, procureur de la République, directeur de CHU ou président d’université ?

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Hypocrisie française

Leurs qualifications ne sont pourtant pas en cause. En Belgique, un récent sondage a révélé que 60 % d’entre eux possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur contre 30 % pour l’ensemble de la population. Et la même étude en France donnerait à peu près les mêmes résultats.

Mettant en avant la république parfaite de Jules Ferry, les Français sont souvent condescendants envers les Américains, qui n’ont accordé de droits civiques aux Noirs qu’à la fin des années 1960 et qu’au prix d’âpres batailles. Pourtant, une classe moyenne supérieure noire s’était alors déjà formée outre-Atlantique.

Et elle a accédé à des postes à responsabilité dans la fonction publique supérieure, les grandes entreprises, les services de sécurité, la politique… L’accession de Barack Obama au sommet de l’État le plus puissant du monde est l’aboutissement de ce processus qui n’a pas même commencé dans l’Hexagone, resté à l’ère du symbole.

>>> À LIRE – France : dix choses à savoir sur Sibeth Ndiaye, la nouvelle porte-parole du gouvernement

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Un symbole parmi d’autres

Car c’est ce qu’est malheureusement Mme Ndiaye : un symbole, comme beaucoup d’autres avant elle, depuis Gaston Monnerville, nommé sous-secrétaire d’État aux Colonies dans les années 1930.

À l’époque, Senghor et Césaire s’enorgueillissaient de prouver la capacité des nègres à égaler en aptitude toutes les autres races, comme l’on disait jadis. Et quatre-vingt-dix ans plus tard, les Noirs de France se félicitent encore de pouvoir être médecins, avocats, officiers, ingénieurs ou universitaires.

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La voie du commandement leur reste fermée mais de nombreuses victimes de ce plafond de verre s’extasient encore, croyant ne mériter que des symboles agités une fois tous les cinq ans. La bataille de la fin de l’hypocrisie de la République égalitaire doit commencer. Et Sibeth Ndiaye est loin de faire le compte.

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