Sarkozy, droit dans le mur

Les « coups de boutoir » répétés du président français exaspèrent les membres de l’Union. Et sont contre-productifs économiquement.

Publié le 24 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

« Sarkozy seul contre tous », titrait le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, lundi 17 septembre, résumant l’exaspération suscitée en Europe par les « coups de boutoir » de Nicolas Sarkozy, dont l’énergie et le volontarisme sont en passe de devenir contre-productifs, dans le domaine économique, en tout cas.
En avion ou à l’Élysée, en conférence ou en aparté, le président français ne rate jamais une occasion de critiquer la Banque centrale européenne (BCE), qu’il accuse de maintenir des taux d’intérêt trop élevés, qui nuisent à l’économie française. Voilà qu’il affirme sans sourciller que la politique monétaire de la BCE « fait des facilités pour les spéculateurs », que le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, se tourne les pouces face à la crise des subprimes américaines, et qu’il a persuadé la chancelière Angela Merkel de dénoncer avec lui la sous-évaluation de la monnaie chinoise.
Ces affirmations péremptoires ont suscité une levée de boucliers. Les ministres des Finances réunis à Porto (Portugal), les 14 et 15 septembre, se sont tous solidarisés avec Jean-Claude Juncker et Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, jugeant qu’ils avaient bien travaillé dans ces temps difficiles et que c’était le président français qui mettait de l’huile sur le feu de façon irresponsable et au pire moment. L’ancien président Valéry Giscard d’Estaing a tenu à dire à Jean-Claude Trichet combien il approuvait « la contribution que la politique prudente de l’euro apporte à la stabilité des prix en Europe ».
Chaque jour, les journaux français, allemands, italiens, néerlandais soulignent à l’envi les erreurs et omissions de Nicolas Sarkozy. Non, ce n’est pas lui qui, en Europe, a dénoncé le premier la sous-évaluation du yuan chinois, mais Angela Merkel, en tant que présidente du G7. Non, ce n’est pas l’euro qui est la cause de la langueur française, car comment expliquer qu’avec la même monnaie l’Allemagne ait engrangé 170 milliards d’euros d’excédent commercial en 2006, quand la France a accusé un déficit de 30 milliards, qui devrait encore s’aggraver cette année ? Et de quel droit Sarkozy sermonne-t-il le ministre allemand des Finances pour « sa vision comptable » des problèmes européens, alors que la France ne pourra pas tenir sa promesse de mettre fin à ses déficits publics en 2010 ?
Le président français claironne, en outre, qu’il « veut 3 % de croissance » – plus que l’Allemagne, en pleine forme, elle -, au moment où les instituts de prévision sont unanimes à annoncer entre + 1,7 % et + 1,9 % pour la France en 2007. Malheureusement, le Conseil d’analyse économique (CAE) du Premier ministre vient de lui apporter un démenti cinglant en publiant, la semaine dernière, un rapport sur « les leviers de la croissance française », où il est dit que le président de la République ne va pas du tout dans le bon sens pour décrocher ces 3 %.
D’abord, écrivent les auteurs, les « cadeaux » fiscaux de l’été (heures supplémentaires, limitation des droits de succession, déduction des intérêts d’emprunts immobiliers, bouclier fiscal) n’auront « aucun effet positif ». Ensuite, ils amputent le budget de l’État de plus de 13 milliards d’euros, qui auraient été mieux utilisés à financer des réformes vraiment « structurelles ».
Enfin, ils préviennent que, pour gagner le fameux « point de croissance » dont Nicolas Sarkozy rebat les oreilles aux Français depuis sa campagne électorale et qui permettrait d’atteindre le rythme annuel décisif de 3 %, il faudrait se lancer dans des chantiers plus ardus : augmenter la durée du travail et le taux d’emploi, introduire la concurrence dans les professions réglementées (taxis, pharmaciens, notaires), revaloriser l’enseignement supérieur. Mais, rappellent-ils, ces réformes coûteront, dans un premier temps, 0,4 point de croissance et elles n’apporteront le gain du 1 % impatiemment attendu que dans dix ans. Trop tard pour la prochaine élection présidentielle prévue dans cinq ans !

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