Quand la soul vient d’Allemagne

Ayo, Nneka, Joy Denalane : trois jeunes artistes afro-allemandes font une percée étonnante sur la scène internationale.

Publié le 24 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Les stars de la soul américaine se produisent régulièrement à Londres ou à Paris. Mais Hambourg et Berlin sont en passe de devenir des étapes incontournables tant la scène musicale outre-Rhin se renouvelle et offre de nouvelles voix. Parmi celles-ci, trois Afro-Allemandes qui connaissent un succès croissant.
Avec son album Joyful, Ayo s’est fait connaître du grand public en 2006. Née à Cologne en 1980 d’un père nigérian venu en Allemagne pour ses études et d’une mère tsigane de Roumanie, Joy Olasunmibo Ogunmakin, de son vrai nom, a vendu sur le seul marché français 345 000 exemplaires de son album et s’est hissée, en juillet, à la 9e place des meilleures ventes. Après l’Olympia en mars 2007, elle a entamé une tournée mondiale. De Londres à New York, en passant par l’Australie et la Grèce, son style séduit. Guitare à la main, elle suit, à sa manière, les traces des Ben Harper et Tracy Chapman. Elle dit faire du « soregafrofolk », un mélange original de soul, reggae, rythmes africains et sonorités gipsy, les musiques de son enfance. « Soregafrofolk, c’est ce que je fais. Ma musique ne se cantonne pas à un style précis, j’ai des tas d’influences. »
Nomade et bohème, celle qui se définit comme une « Afro-Gipsy née et élevée en Allemagne » vit entre Paris et New York, où elle a rencontré Jay Newland, le producteur de Norah Jones, qui lui a permis de réaliser son album. Ayo a gardé un pied-à-terre en Allemagne même si elle reconnaît avoir eu besoin d’en partir pour devenir elle-même.

Tout le contraire de Nneka, la révélation reggae-soul du moment. Originaire du Nigeria, où elle est née, en 1981, dans la petite ville de Warri, Nneka est venue s’installer à Hambourg à l’âge de 19 ans. « L’Allemagne m’a aidée à trouver mon identité, explique-t-elle. Elle m’a offert exactement ce que je cherchais. C’est là que j’ai découvert qui j’étais, que j’ai pu développer mes capacités artistiques : le chant, le dessin. Au Nigeria, la seule préoccupation, c’est trouver de quoi manger, de quoi payer les factures. »
En 2005, après avoir frappé au hasard à la porte d’un label indépendant, elle enregistre son album Victim of the Truth, entre soul, reggae, hip-hop. Gospel et musiques africaines transcendent le tout. Elle fait les premières parties du Jamaïcain Sean Paul et du reggaeman allemand Patrice, dont la carrière a décollé en 1999 grâce à Lauryn Hill. Né d’une mère allemande et d’un père originaire de Sierra Leone, Patrice promeut à cette époque, en 2005, son cinquième album Nile, du nom du fils qu’il vient d’avoir avec une certaine Ayo.
Cette petite bande fait son trou. Depuis le début de l’année, Nneka a entamé une carrière internationale. Victim of the Truth est sorti sur le marché hexagonal chez Nocturne. Bien qu’elle soit encore peu présente dans les médias, les amateurs de soul la connaissent. Le bouche à oreille fonctionne. En mai dernier, elle a rempli le New Morning, une salle parisienne où jazzmen et artistes soul aiment se produire. Elle a subjugué le public français, qui a découvert son look rasta et ses textes engagés évoquant la colonisation, les guerres, le racisme, la pauvreté, la responsabilité des dirigeants africains

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Un militantisme présent également chez celle que l’on surnomme la « reine de la soul allemande », Joy Denalane. Née à Berlin, en 1973, d’une mère allemande et d’un père sud-africain, cette belle métisse aborde, dans un style plus « nu soul », les discriminations et autres problèmes sociaux. « J’ai grandi à côté du mur de Berlin, du côté ouest. Ma conscience politique me vient aussi de mon père, de l’Afrique du Sud et de la situation politique si controversée de ce pays dont j’entendais beaucoup parler à la maison étant petite. »
En 2002, elle sort un premier album, Mamani, qui se classe numéro 8 des charts allemands. Sur fond de soul, de jazz et d’afro-beat, Joy Denalane chante alors en allemand. Mais pour son second opus, Born & Raised, elle choisit l’anglais, ce qui lui permet de travailler avec les plus grands noms américains actuels de la soul et du hip-hop : Raekwon du Wu Tang Clan ; Lupe Fiasco, le nouveau prodige de Jay-Z ; Chris Sholar le guitariste de Q-Tip et de Stevie Wonder ; Steve Mckie, le batteur de Bilal ; Junius Bervine, le pianiste de D’Angelo
Enregistré à Philadelphie, Born & Raised s’est classé en 2006 directement numéro 2 des charts allemands. Cette année, Joy Denalane, comme Ayo, a écumé les scènes du monde entier : Japon, Grande-Bretagne, Russie, France Cet été, elles étaient de tous les festivals. Signe que la musique « afro-allemande » trouve sa place sur le marché mondial de la soul.

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