L’héritage culturel, jusqu’où ?

Publié le 24 septembre 2007 Lecture : 2 minutes.

La convention 2001 des Nations unies sur la protection de l’héritage culturel sous-marin avait raison de vouloir interdire le pillage à des fins commerciales des trésors archéologiques engloutis. Malheureusement, elle n’a été ratifiée que par quinze pays, et le pillage continue. On a appris tout récemment qu’Odyssey Marine Explorations, une société qui a son siège à Tampa, en Floride, a récupéré 17 tonnes d’or et d’argent d’un bateau qu’on croit être le galion espagnol Nuestra Senora de las Mercedes, coulé par un navire de guerre britannique au large du Portugal en octobre 1804. Un record, sans doute.

La compagnie revendique la propriété de ce butin. Et, bien entendu, l’Espagne a engagé des avocats et va soutenir que ce trésor lui appartient, au nom des droits qu’a un État souverain sur son héritage culturel. Il est évident qu’il faut se préparer à une longue bataille juridique, mais il ne serait que légitime de laisser d’autres plaignants faire valoir leurs droits. Le chargement d’or et d’argent qui est parti par le fond avec le Mercedes venait probablement du Pérou, d’où le galion a fait voile vers Cadix, en mars 1804. Une éventuelle revendication péruvienne sur le trésor n’aurait que des bases juridiques fragiles – le Pérou n’était même pas un pays indépendant en 1804, seulement une partie de l’Empire espagnol – mais elle s’appuierait sur des considérations morales très solides : les Incas n’ont pas remis librement leur or et leur argent aux envahisseurs espagnols, c’est l’Espagne qui s’en est emparée par la force.
Le moment semble venu de remettre en question les droits de propriété sur des trésors depuis longtemps disparus. Après des années de relance des autorités italiennes, le musée Getty, le Metropolitan de New York et le musée des Beaux-Arts de Boston ont accepté de rendre à l’Italie des antiquités qui lui avaient été volées. Le Pérou négocie avec l’université Yale pour récupérer des milliers d’objet dérobés au Machu Picchu en 1912 par Hiram Bingham et destinés à être « prêtés » au musée Peabody.

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Il y a deux ans, l’Italie a rendu à l’Éthiopie l’obélisque d’Aksoum, vieux de 1 700 ans, qui avait été transporté à Rome en 1937 sur ordre de Benito Mussolini. Et elle a promis de rendre à la Libye une statue de Vénus du IIe siècle, volée par les troupes italiennes en 1913. Il est vrai que ces vols sont beaucoup plus récents et n’ont pas les dimensions extrêmes de la conquête espagnole et du pillage des trésors de l’Amérique latine il y a quelques siècles. Mais si la Grèce peut revendiquer la propriété des sculptures du Parthénon que Lord Engin fit transporter au British Museum en 1801, au temps où elle n’était qu’une province de l’Empire ottoman, le Pérou a sûrement des droits sur l’or du Nuestra Senora de las Mercedes.
Le destin du trésor récupéré devrait être fixé par un tribunal fédéral de Tampa, où la société Odyssey a entreposé son butin avant même de faire savoir qu’elle avait mis la main dessus. Quand ses avocats affronteront ceux de l’Espagne, peut-être ceux du Pérou devraient-ils être là, eux aussi.

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