L’ex-procureur devenu bourreau

Un proche du chef de l’État et sa femme condamnés à Paris.

Publié le 24 septembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Douze et 15 mois de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende chacun, 24 000 euros de dommages et intérêts. Telles sont les peines prononcées le 17 septembre par le tribunal correctionnel de Nanterre, dans la banlieue parisienne, contre Gabriel Mpozagara, conseiller principal du président burundais Pierre Nkurunziza, et sa femme Candide. Poursuivi dans une affaire d’esclavage moderne, le couple est accusé de « soumission de personnes vulnérables à des conditions de travail et d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ». Les faits remontent à 1994. En raison des troubles au Burundi, au cours desquels elles ont perdu leurs parents, deux nièces des défendeurs, Chantal et Yvette, les rejoignent en France, à Ville-d’Avray, près de Paris, où ils sont installés. À l’époque, Gabriel Mpozagara est fonctionnaire international à l’Unesco.
Assez rapidement, la vie en France devient infernale pour les deux filles, condamnées à dormir dans une cave sans le moindre confort. L’aînée, qui a 18 ans, voit son passeport confisqué. L’essentiel de son temps, elle le consacre au ménage et aux six enfants de la famille Mpozagara. Gratuitement. La cadette, inscrite dans un collège, s’y rend à pied et ne déjeune jamais à midi. C’est elle qui, un jour, en 1998, dans la cour de recréation, parle de ses conditions de vie à une de ses camarades. Celle-ci lui conseille d’appeler l’association Enfance et Partage.
Les services sociaux sont alertés et les filles invitées à aller se réfugier ailleurs. Portée devant la justice, l’affaire va traîner en longueur à cause de l’immunité diplomatique de Mpozagara. Béatrice Chassux, vice-président d’Enfance et Partage, se dit soulagée : « Il y a eu tellement de procédures qu’on ne voyait pas la fin venir. Mais les filles, dont l’aînée est mariée et mère de deux enfants, n’ont pas oublié cette période douloureuse de leur existence. Elles en sont profondément marquées, même si elles n’ont pas l’intention de se venger. On sent qu’elles sont traumatisées à vie. »
Gabriel Mpozagara, 64 ans, qui n’a jamais été Premier ministre ni ministre comme d’aucuns l’ont prétendu, est un personnage controversé au Burundi. Longtemps procureur général de la République à l’époque de Michel Micombero (premier président de la République), il est accusé par un grand nombre de ses compatriotes d’avoir joué un rôle dans les massacres de Hutus en 1972, considérés comme un génocide. On lui reproche également d’avoir, en 1969, lors d’un procès contre des officiers arrêtés pour une tentative de coup d’État « imaginaire », ordonné leur exécution. Une fois encore, disent ses détracteurs, c’était pour « punir les Hutus ». Toutes ces accusations n’ont pas empêché Pierre Nkurunziza d’en faire l’un de ses plus proches collaborateurs.
Selon une source à Bujumbura, Gabriel Mpozagara ne reconnaît pas les faits pour lesquels il vient d’être condamné. Il aurait déclaré que c’est l’une de ses nièces, l’aînée, qui a tout monté en vue d’obtenir la nationalité française. Il pourrait faire appel de sa condamnation.

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