La Reconquista selon Zawahiri
Dans un long document vidéo (près de 80 mn) intitulé « Pouvoir de la vérité » et diffusé le 19 septembre sur Internet par des sites djihadistes, l’Égyptien Aymen Zawahiri, numéro deux d’Al-Qaïda, appelle les Maghrébins à déclencher le djihad en vue de la reconquête de l’Andalousie, province méridionale de l’Espagne occupée et islamisée par les Arabes entre le VIIIe et le XVe siècle.
« Ô nation musulmane du Maghreb, rétablir al-Andalous est une mission incombant à la Oumma [communauté des croyants] dans son ensemble, et à toi en particulier », déclare Zawahiri, qui, dans un premier temps, suggère de chasser les « croisés » français et espagnols du « Maghreb islamique ». En septembre 2006, il avait accueilli par des propos similaires le ralliement à Al-Qaïda du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), la principale organisation islamiste armée en Algérie. Le mois suivant, un attentat prenait pour cible les employés d’une entreprise étrangère travaillant en Algérie
Depuis, le GSPC, rebaptisé Al-Qaïda au Maghreb, a modifié son organisation interne de manière à prendre en charge la formation de djihadistes et d’aspirants kamikazes originaires de tous les pays du Maghreb. Résultat : en décembre 2006, un groupe de Tunisiens encadrés par des Algériens, des Libyens et des Mauritaniens tente d’organiser des attaques simultanées contre des intérêts occidentaux à Tunis. L’attentat est déjoué et, au mois de janvier dernier, les services tunisiens neutralisent la totalité du groupe réfugié dans une villa de la banlieue sud de la capitale. Au Maroc, des groupuscules sans lien apparent avec Al-Qaïda, donc difficilement identifiables par les services de sécurité, se manifestent, notamment à Casablanca, en avril.
Les nouvelles menaces de Zawahiri (tout indique que l’enregistrement est récent) sont-elles prises au sérieux ? À Paris, le Quai d’Orsay n’envisage pas de modifier ses recommandations aux voyageurs français se rendant au Maghreb. Et Madrid se mure dans un prudent mutisme. Les responsables algériens restent quant à eux sereins. « Cela fait près de quinze ans que nous faisons face à la menace djihadiste, commente une source au ministère de l’Intérieur. GIA, GSPC ou Al-Qaïda, pour nous, c’est pareil. Quant aux menaces contre les Français et les Espagnols, ce n’est pas nouveau : souvenez-vous qu’en 1992 la première victime étrangère des GIA fut un géologue français. »
Pas question pour autant de prendre la menace à la légère. Quelques jours avant la diffusion du message de Zawahiri, les services de sécurité avaient été informés d’un projet d’enlèvement de deux ressortissants français travaillant à l’aéroport international d’Alger. Ces derniers ont été immédiatement rapatriés par leur employeur (Aéroports de Paris). Le 20 septembre, dans la région de Lakhdaria, en Kabylie, une bombe artisanale a explosé sur le passage d’un convoi transportant des ingénieurs européens employés par le groupe français de BTP Razel. Bilan : neuf blessés légers, dont deux Français et un Italien.
Au Maroc, il est peu probable qu’Abbas el-Fassi, le nouveau Premier ministre (voir pp. 52-54), revienne sur la décision de son prédécesseur d’abaisser d’un cran le niveau d’alerte antiterroriste dans l’ensemble du royaume. En Tunisie, enfin, on ne s’attend pas à de grands bouleversements politiques ou sécuritaires. Le procès de Djound Assad Ibn el-Fourat, le nom du groupe terroriste déjà évoqué, devrait se tenir, comme prévu, dans les prochaines semaines.
Reste à savoir quel sera l’impact du prêche de Zawahiri sur la jeunesse maghrébine. A priori, il semble qu’il soit davantage perçu comme un ensemble de consignes transmises aux maquisards que comme une campagne de prosélytisme. De toute façon, il ne fait aucun doute que les images en provenance d’Irak, d’Afghanistan ou de Palestine influencent beaucoup plus les candidats au martyre que les prêches, fussent-ils enflammés, d’un Ben Laden ou d’un Zawahiri.
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