[Chronique] Peine de mort : l’Afrique, bon élève de l’abolitionnisme ?
Selon le dernier rapport d’Amnesty International, l’Afrique incarne le renoncement progressif aux exécutions de condamnés à mort. Mais certaines nuances méritent d’être évoquées.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 10 avril 2019 Lecture : 2 minutes.
690 en 2018 contre 993 en 2017 : les exécutions pour peine de mort auraient reculé de 31% dans le monde, si l’on en croit le tout nouveau rapport diffusé le 10 avril par Amnesty International. Si ce nombre de « mises à mort légales » est le plus faible depuis une décennie, il peut faire l’objet de trois nuances.
Primo, l’organisation de défense des droits humains additionne les exécutions… recensées. Or, des pays comme la Chine restent mutiques sur leurs statistiques en la matière. Selon certaines estimations, il pourrait y avoir, chaque année, plusieurs milliers de citoyens chinois exécutés légalement par arme à feu ou injection létale.
39% des sentences capitales prononcées en Afrique
Secundo, il convient de distinguer les exécutions des sentences. En un an, les condamnations au châtiment suprême n’ont chuté que de 2,3% dans le monde. L’épée de Damoclès continue ainsi de planer sur la tête de nombreux locataires des « couloirs de la mort ». Certains pays sont tout de même « considérés comme abolitionnistes » pour avoir ratifié un moratoire de non-application de la peine. Sur ce point, le directeur de l’association Ensemble contre la peine de mort se réjouit que « l’Afrique donne le “la” » de l’abolitionnisme formel ou non.
17 membres de l’Union africaine 17 sont considérés comme abolitionnistes « en pratique »
En 2018, moins de 10% des exécutés l’ont été sur ce continent, alors que les sentences capitales prononcées représentent 39% de ces peines dans le monde. Les condamnations suprêmes ont reculé de 22% sur cette zone géographique. Sur les 55 membres de l’Union africaine, 19 ont aboli la peine capitale, tandis que 17 sont considérés comme abolitionnistes « en pratique ».
Le cas égyptien
À noter que l’Afrique subsaharienne est davantage engagée dans cette tendance à la clémence, même si le Nigeria, avec plus de 2 000 condamnés à mort, reste « le plus long couloir de la mort » d’Afrique noire. En Égypte, par exemple, les condamnations et exécutions sont en progression depuis l’arrivée au pouvoir du régime du maréchal Abdel Fattah al-Sissi. Selon Amnesty International, près des deux tiers des personnes exécutées sur le continent, en 2018, l’auraient été au pays des pharaons…
Une troisième nuance pourrait être apportée au rapport d’Amnesty International : certains États de droit en trompe-l’œil, honnêtes sur leurs statistiques de mises à mort judiciarisées, ne s’embarrassent pas toujours de procès pour faire disparaître un activiste impudent…
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