Ils sont fous, ces puritains !

Aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, des représentants de la « majorité morale » pas vraiment au-dessus de tout soupçon.

Publié le 24 septembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Membres républicains du Sénat américain, ils sont l’un et l’autre impliqués dans des scandales sexuels. Le nom du premier – David Vitter (de Louisiane) – a été découvert dans le carnet de téléphone de « la patronne du bordel le plus connu de la capitale fédérale », comme l’écrit sans ambages le quotidien français Le Monde. Il a piteusement avoué avoir commis « un péché très grave », mais refusé de démissionner. Aux dernières nouvelles, il devrait réussir à sauver sa tête – à défaut de son couple.
Le second, Larry E. Craig, élu ultraconservateur de l’Idaho depuis dix-sept ans et homophobe militant, s’est bêtement fait pincer, le 11 juin, dans les toilettes de l’aéroport de Minneapolis-Saint-Paul : il avait fait de furtives et maladroites avances à un inconnu, qui – il y a des jours comme ça – s’est révélé être un policier ! Au cours d’une bouffonne séance de contrition télévisée, entouré de sa femme et de ses enfants, il a longuement répété : « I’m sorry, I’m sorry » Tout désolé que soit le sénateur, ses amis politiques l’ont instamment prié de démissionner.

Pourquoi deux poids, deux mesures ? s’interroge Gideon Rachman dans le Financial Times. Le plus simple, bien sûr, serait de faire comme les Français : flanquer une paix royale aux représentants de la République pour les petits débordements de leur vie privée. Tout cela est-il vraiment si grave ? Mais une majorité d’Anglo-Saxons ne l’entendent pas de cette indulgente oreille : comme tous les puritains, ils sont masochistement obsédés par le sexe. D’où, aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, une litanie d’« affaires » généralement du plus haut comique – mais parfois un peu moins. On se souvient peut-être de Stephen Milligan, ce député britannique, conservateur et homosexuel notoire, qui, au début des années 1990, au plus fort de la campagne de « retour aux vraies valeurs » lancée par le Premier ministre John Major, fut retrouvé mort dans des sous-vêtements de femme, victime d’une autostrangulation « érotique » poussée à l’excès
De l’autre côté de l’Atlantique, on n’en finirait pas d’égrener la chronique de ces élus de la « majorité morale » pris en flagrant délit de s’adonner secrètement aux « vices » que, modernes Savonarole, ils affectent de vitupérer devant leurs ouailles.
Mark Foley, représentant de Floride et auteur d’une loi réprimant la pornographie pédophile sur Internet ? Contraint à la démission, en septembre 2006, pour avoir échangé des courriels « pervers » avec des employés du Congrès, mineurs, bien sûr Bob Allen, autre élu floridien, supporteur du sénateur John McCain pour la prochaine présidentielle et ennemi déclaré des « pédés » (il vote sans discussion toutes les lois homophobes qui lui sont proposées) ? Interpellé dans les toilettes publiques – encore ! – d’un parc de Titusville (Pennsylvanie) par un policier africain-américain en civil à qui il avait très chrétiennement proposé une fellation en échange de 20 dollars, il refuse de démissionner et se déclare « victime des Noirs »
Il va de soi que les « libéraux » ne sont pas épargnés, mais leurs écarts n’ont généralement pas ce caractère de grandiose tartufferie. En 1988, par exemple, la marche triomphale du démocrate Gary Hart vers la Maison Blanche fut brutalement interrompue par un sex scandal. Il avait très imprudemment mis les médias au défi d’apporter la preuve de ses infidélités conjugales présumées. Un objectif indiscret le dénicha sur un yacht, une starlette sur les genoux

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Et ne parlons pas de Bill Clinton, ex-maître du monde et séducteur compulsif, que quelques privautés « inappropriées » dans le Bureau ovale – Ô Monica Lewinsky ! -, deux ou trois gros mensonges qui ne l’étaient pas moins et une horde d’inquisiteurs fanatiques lancés à ses trousses conduisirent au bord de la destitution, mais sans affecter sa popularité : 65 % d’opinions favorables au terme de son second mandat.
Et l’on retrouve la question de Rachman : comment certains réussissent-ils à s’en tirer sans trop de dommages ? D’abord, estime notre confrère, mieux vaut s’abstenir d’enfreindre la loi, toute moyenâgeuse qu’elle soit dans certains États américains. Ensuite, mieux vaut être hétéro qu’homo, la moral majority se montrant fort sourcilleuse sur ce point – Dieu sait pourtant quels fantômes hantent les placards de certains de ses dirigeants ! Enfin, mieux vaut avouer et se repentir avec emphase, la main sur le cur mais n’en pensant pas moins, que de se répandre en dénégations plus ou moins absurdes. Les mésaventures du mari d’Hillary ont certes suscité de graveleuses plaisanteries à travers le monde, mais ne l’ont pas rendu ridicule (enfin, pas trop). Sans doute, estime Rachman, parce que son « péché » n’était pas en contradiction avec son image publique.

Certains de ses confrères se montrent moins avisés : ils multiplient les mensonges, s’enferrent et finissent par commettre la gaffe fatale. Moralité : il est préférable de provoquer l’indignation de ses concitoyens plutôt que leurs rires. Ce « détail qui tue », Rachman en donne quelques plaisants exemples, comme celui de Mark Oaten, un dirigeant du Parti libéral démocrate britannique qui avoua un jour fréquenter de mâles prostitués pour échapper au stress suscité chez lui par une calvitie naissante. Ou celui de Ron Davies, secrétaire au pays de Galles et respectable (?) père de famille, qui, dans un parc où les gays londoniens ont coutume de se retrouver, embarqua un type dans sa voiture pour, affirma-t-il après son arrestation, « aller observer les blaireaux ». Ou encore celui de Jeremy Thorpe, le chef du Parti libéral dans les années 1970, qui fut inculpé de tentative de meurtre sur la personne d’un modèle de sexe masculin, et finalement acquitté : incapable de tuer son amant, il s’était vengé sur son chien, l’infortuné Rinka. D’où le nom de « Rinkagate » donné à cette pathétique pantalonnade. Les élections suivantes ne furent pas un triomphe pour le « Dog-Lovers’party », comme l’avaient surnommé certains

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