Algérie : vers un boycott de l’élection présidentielle du 4 juillet ?

L’application de l’article 102 de la Constitution se poursuit. Après sa désignation à la tête de l’État pour assurer l’intérim du président Bouteflika, Abdelkader Bensalah a annoncé la tenue d’une élection présidentielle le 4 juillet, respectant le délai de trois mois prévu par la loi fondamentale. Une décision considérée par une partie de la classe politique comme contraire à la volonté de la rue.

Des manifestants à Alger, mercredi 10 avril 2019 (photo d’illustration). © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

Des manifestants à Alger, mercredi 10 avril 2019 (photo d’illustration). © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

Publié le 11 avril 2019 Lecture : 4 minutes.

La date du 4 juillet, annoncée mercredi par le chef de l’État algérien par intérim pour la tenue de l’élection présidentielle, a suscité plusieurs réactions au sein de la classe politique. Elle n’a pas été du goût de l’opposition, où étaient déjà nombreux ceux qui réclamaient la démission d’Abdelkader Bensalah et une transition conduite par la société civile.

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Ali Ghediri, candidat à l’élection présidentielle reportée, était le seul à s’être prononcé ouvertement en faveur d’un vote pro-Bensalah et à demander l’organisation d’une élection présidentielle dans les trois mois à venir, comme prévu par la Constitution. Il a d’ailleurs annoncé jeudi sa candidature au nouveau scrutin.

« Une manière de gagner du temps »

Nassim Yassa, membre de la direction nationale du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), dans un passage sur la chaîne Al Arabi, a estimé que les initiatives de la présidence sont « une manière de gagner du temps », mais aussi de « défier la lutte du peuple qui demande la fin du régime ». « On ne peut pas aller vers des élections selon les règles et l’agenda du régime. Le peuple algérien veut un changement radical qui ne peut se faire que par une période de transition », a-t-il ajouté.

D’autres personnalités de son parti proposent ainsi la création d’une Haute instance qui sera chargée de la transition. Elle sera composée de trois personnes issues exclusivement de la société civile, âgées au maximum de 60 ans et qui seront élus par trois grandes corporations : la magistrature, l’enseignement supérieur et les syndicats autonomes.

Comment peut-on parler de présidentielle, alors que des figures et des pratiques de l’ancien régime sont encore présentes ?

Invité sur le plateau d’Ennahar TV, le chef du groupe parlementaire du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Ahmed Sadouk, a fait part de son hostilité à cette décision. « Comment peut-on parler de présidentielle, alors que des figures et des pratiques de l’ancien régime sont encore présentes ? » a-t-il questionné. « Tant que de vraies réformes ne sont pas faites en amont, cette déclaration n’a pour but que de diviser le mouvement », a-t-il déclaré.

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Dans une vidéo partagée sur sa page Facebook, l’avocat et figure du mouvement de protestation Mustapha Bouchachi a déclaré « rejeter l’ensemble de ce processus sur le fond et sur la forme ». Il a notamment soutenu que les Algériens sont sortis « non pas pour le départ de Bouteflika, mais pour le départ du régime. Les 3B [en référence aux initiales nominales du président par intérim Abdelkader Bensalah, du Premier ministre Noureddine Bedoui et du président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaïz] ou les 4B [en incluant le président de l’Assemblée populaire nationale Moad Bouchareb (FLN)], ne sont pas habilités à diriger la période de transition », les accusant d’être des symboles du régime.

« Imposer aux Algériens des élections dont ils ne veulent pas signifie qu’il y a une volonté cachée de ne pas changer de régime, mais de poursuivre avec le même système, a continué Bouchachi. Dans le monde entier, aucune période de transition ne s’est faite avec les symboles d’un régime corrompu. »

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https://www.facebook.com/mostephabouchachi/videos/793587907678345/

Appel au boycott

Sur sa page Facebook, Rachid Nekkaz, homme d’affaires et politique controversé, candidat (par procuration) à l’élection présidentielle annulée, a exhorté le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), Ahmed Gaïd Salah, à limoger Bensalah.

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« Oui, il faut respecter la Constitution, comme l’a dit Gaïd Salah, mais alors il faut qu’il destitue Bensalah […]. Je ne vais pas me présenter à l’élection du 4 juillet et j’appelle le peuple algérien à la boycotter », a-t-il déclaré dans une vidéo. « Destituez Bensalah et punissez les corrompus ! Vous entrerez ainsi dans l’Histoire », a-t-il lancé à l’adresse du général Gaïd Salah.

RND et Zerrouk favorables

Toutefois, certaines voix se sont élevées pour approuver la décision de Bensalah. Le Rassemblement national démocratique (RND), parti de l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, a « accueilli favorablement » la date du 4 juillet. Dans un communiqué, le RND a invité l’ensemble des acteurs politiques à joindre leurs forces pour achever le processus « et sortir le pays de la crise actuelle à travers un choix démocratique pour le peuple souverain ».

Interviewé d’Ennahar, Chaabane Zerrouk, candidat à l’élection présidentielle reportée et ancien chef de cabinet d’Ahmed Ouyahia, a lui aussi affiché son soutien, appelant le peuple algérien et la classe politique à prendre leur mal en patience. « Depuis 1962, nous n’avons eu aucun président légitime. Nous avons attendu plus de 50 ans ; ne pouvons-nous pas supporter Bensalah, Bedoui et Belaïz trois mois de plus ? »

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