[Chronique] Destitution d’Omar el-Béchir : un nouveau printemps arabe ?

Après la destitution d’Omar el-Béchir au Soudan, des observateurs proclament un second printemps arabe. N’est-ce qu’un raccourci journalistique ?

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Publié le 12 avril 2019 Lecture : 2 minutes.

Parfois exagérément inventive, l’imagination journalistique a aussi ses limites, surtout dans le feu de l’action historique. Qu’un dirigeant plein de morgue quitte son trône la canne entre les jambes, sur fond de foule aux poings levés, et voilà Omar el-Béchir dépeint en Zine el-Abidine Ben Ali. Que sa destitution ait été précédée par la démission d’un collègue en fauteuil roulant, et voilà que la loi des séries instruit aux manchettes des journaux un nouveau printemps arabe, composé lui aussi de contestations jusqu’au-boutistes déclinées de place Tahrir en place Audin.

Ben Ali, Moubarak et Kadhafi en 2011 ; Bouteflika et el-Béchir en 2019 : peut-on parler de réplique tellurique à huit ans d’intervalle ? Les théoriciens d’une « deuxième vague » du printemps arabe vont jusqu’à rapprocher les récentes manifestations populaires de la bande de Gaza et de Jordanie des processus syriens et yéménites inachevés. S’il existe des points communs en matière de ressort social des différents soulèvements, en matière de pratique de mobilisation et de caractère galvanisant d’une révolution voisine, les observateurs au long cours soulignent que chaque bouleversement est une aventure nationale, faite de spécificités et d’un chronogramme inédit.

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2011 et 2019 : la continuité ?

Les chamboulements de 2011 eux-mêmes devaient-ils être mis à ce point dans le même « sac » des printemps arabe ? Le régime égyptien actuel est-il si différent de celui de Moubarak ? Le scénario libyen aurait-il été identique au tunisien, sans l’intervention militaire de forces internationales ? Qui d’autre que la Tunisie a eu son Mohamed Bouazizi, ce marchand ambulant qui s’est immolé par le feu ?

Quant à calquer le scénario de 2011 sur les événements actuels, ça serait faire fi du niveau d’organisation accru de mouvements populaires moins influençables, qui par des idéologues notamment islamistes modérés -, qui par la mobilisation médiatique de chaînes de télévision internationales, qui par des démangeaisons régionalistes, qui par des tentations armées, qui par des ingérences internationales.

Le « retour de bâton » ne serait-il pas qu’une tarte à la crème journalistique ?

S’il devait être identifié une continuité entre 2011 et 2019, elle serait celle de la maturation – des peuples et des régimes soudainement moins répressifs – et d’une prudence nouvelle, instruite des chaos administratifs, politiques et économiques syriens et libyens.

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La prudence et son corollaire, la persévérance, seront certainement les gages de transformations algériennes et soudanaises effectives et durables. Gare aux contre-révolutions, aux récupérations inopportunes, aux décapitations de systèmes en trompe-l’œil et aux anesthésiants « sécurocrates ». Le « retour de bâton » ne serait-il pas qu’une tarte à la crème journalistique ?

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