Voyage au cur de la zone franche

À proximité de l’aéroport international, la Tanger Free Zone accueille 140 entreprises.

Publié le 24 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

« C’est le bébé de Driss Jettou. Il a initié le projet dès 1994 et n’a cessé de le soutenir en allant dénicher les groupes industriels. » Jamal Mikou, directeur général de la Tanger Free Zone (TFZ), n’oublie pas de rendre hommage au Premier ministre au moment de présenter la zone franche, nichée à deux pas de l’aéroport Ibn-Battouta. Formé à Paris, ce quadra ne manque pas d’arguments pour attirer les entreprises étrangères : avantages fiscaux et douaniers (simple déclaration d’entrée et de sortie des marchandises), possibilité de louer ou d’acheter un terrain, de faire construire une usine clés en main, main-d’uvre qualifiée bon marché, proximité de l’Europe, guichet unique La TFZ s’occupe de tout, et son directeur jure que la transparence est la clé du système. Plus de 140 entreprises se sont déjà implantées, et environ 90 dossiers sont en cours de finalisation. À court terme, le site devrait fournir du travail à quelque 28 000 personnes. Les sociétés sont majoritairement françaises (25 %), espagnoles (20 %) ou portugaises (15 %). « Nous sommes venus nous installer en septembre 2001 pour diverses raisons, comme la proximité de l’Europe, la relative stabilité du taux de change entre l’euro et le dirham, les ressources humaines », explique Julianne Furman, directeur général de Polydesign, filiale du canadien Exco. L’entreprise assure la confection intérieure des automobiles (housses, sièges, pièces de plastique) pour les plus grands groupes : Opel, PSA, Ford, Honda, Toyota, Daimler, Renault et Jaguar. Dans un grand bâtiment, hommes et femmes travaillent au son des machines à coudre et des gazouillis d’oiseaux qui ont élu domicile sous le toit.
Autre sous-traitant automobile, la société Yazaki (filiale du japonais Izaki Corporation) emploie 1 500 personnes dont la mission consiste à fabriquer les circuits électriques de voitures pour les usines Nissan et PSA en Europe. « Nous travaillons notamment pour la future Citroën Picasso qui sera lancée en septembre 2006 », précise fièrement Redouane Kharibach, le directeur administratif et financier. Certains processus industriels sont tenus secrets et l’objectif du photographe est indésirable, une condition valable dans les principales industries de pointe de la zone franche. Sur le site de la TFZ, les sociétés DL Aéronautique (filiale de Daher Lhotellier) et Souriau Maroc assurent la fabrication de pièces détachées pour les avions Airbus.
La TFZ a également attiré plusieurs entreprises textiles. Nicormat, entreprise maroco-italienne, compte quelque 150 machines à coudre. Fin juin, les ouvrières répondaient à une commande italienne de blouses chirurgicales. De petites quantités à fournir très rapidement. Nicormat fait essentiellement du réassort ou s’attaque à certaines niches dans le prêt-à-porter ou la confection pour le secteur médical. Pas question d’aller titiller les Chinois sur les marchés de la chaussette ou du jean sur lequel elle n’a aucune compétitivité. La direction a trois credo : petites quantités, qualité et réactivité (livrer le client dans les quinze jours).
Ville polyglotte (on y parle le français, l’espagnol et l’arabe), Tanger attire bon nombre de sociétés de services, notamment les centres d’appels téléphoniques. Le français Coaxis propose toute une panoplie de produits : vente en ligne, invitation à des manifestations, actions de promotion Les téléopérateurs ont entre 20 ans et 30 ans. La plupart ont le niveau bac + 2. Frédérique Martinez, la patronne, recrute des francophones et des hispanophones suivant les besoins. Des primes sont accordées au résultat. Selon le même rituel, chaque vente est ponctuée par une salve d’applaudissements. Pedro García, Mohamed de son vrai nom, a le sourire. Il vient de décider une ménagère espagnole à s’abonner à Internet.
Dans l’ensemble, les entreprises implantées dans la TFZ ne regrettent pas leur choix même si certains problèmes subsistent. Les facteurs de production, comme l’électricité, demeurent plus chers que dans les pays européens. Toutes les taxes à l’importation sur les composants n’ont pas été levées. Enfin, la traversée du détroit est extrêmement onéreuse (trois fois plus élevée pour 15 km que pour emprunter les 40 km du tunnel sous la Manche) et, en période estivale, les marchandises ne sont pas une priorité pour les compagnies maritimes. Autant de questions qui font actuellement l’objet de discussions avec les autorités. Jamal Mikou, quant à lui, espère remplir ses 345 hectares de terrain dans les dix prochaines années. Et n’oublie pas de rappeler que les accords de libre-échange signés avec l’Union européenne et avec les États-Unis représentent des opportunités de marché pour les sociétés étrangères.

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