Afrique du Sud : l’ANC à nouveau éclaboussé par les scandales avant les élections

Le président Cyril Ramaphosa a beau promettre le grand ménage, rien n’y fait. À moins d’un mois des élections générales en Afrique du Sud, les scandales de corruption n’en finissent pas de pourrir la campagne de son parti, le Congrès national africain (ANC).

Cyril Ramaphosa lors du congrès de l’ANC qui a abouti à son élection à la tête du parti, le 18 décembre 2017 à Johannesburg. © Themba Hadebe/AP/SIPA

Cyril Ramaphosa lors du congrès de l’ANC qui a abouti à son élection à la tête du parti, le 18 décembre 2017 à Johannesburg. © Themba Hadebe/AP/SIPA

Publié le 13 avril 2019 Lecture : 3 minutes.

Après l’ex-président Jacob Zuma, une pléiade de ministres, d’élus et de hauts fonctionnaires, c’est au tour du secrétaire général du parti, Ace Magashule, d’être épinglé.

Dans la dernière ligne droite qui mène au scrutin du 8 mai, sa mise en cause provoque un vif embarras au sommet de l’ANC et attise les critiques de l’opposition, qui rêve toujours de priver le parti de la majorité absolue qu’il détient depuis 1994.

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L’affaire Magashule a éclaté il y a quinze jours avec la sortie d’un livre, qui décrit d’un jour peu flatteur les neuf ans du règne d’Ace à la tête de la province du Free State (centre) sous le titre très évocateur de « Gangster State ». Ce proche de Jacob Zuma y est accusé d’avoir illégalement offert pour 2 milliards de rands (120 millions d’euros) de marchés publics à des entrepreneurs « amis » en se servant au passage.

Ace Magashule a aussitôt dénoncé des « mensonges éhontés ». « Je ne suis pas corrompu ! », a-t-il asséné.

Comme un seul homme, l’ANC s’est rangé derrière lui pour dénoncer une « odieuse campagne visant à assassiner » son secrétaire général à la veille des élections.

Mais ce tir de barrage n’a pas été du goût de tous les « camarades ». « Je ne suis pas prêt à considérer toutes ces allégations comme des mensonges », s’est offusqué le ministre du Tourisme Derek Hanekom, un proche du président Ramaphosa.

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« Monsieur Propre »

Avec ce dernier scandale, les rivalités qui déchirent l’ANC ont une nouvelle fois éclaté au grand jour.

Depuis qu’il a pris les rênes du parti fin 2017, Cyril Ramaphosa doit composer avec les partisans de son prédécesseur Jacob Zuma, qui a peu goûté d’être contraint de quitter la présidence du pays avec un an d’avance à cause de ses ennuis judiciaires.

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Le nouveau patron joue depuis les « Monsieur Propre » en promettant de tordre le cou à la corruption. Mais les têtes tardent à tomber. Des commissions d’enquête ont beau exposer au grand jour les turpitudes de proches de Jacob Zuma toujours membres du gouvernement actuel, tous ou presque ont gardé leurs maroquins.

Pressé de réagir, le chef de l’État temporise. « Nous ne sommes pas une dictature (…), nous fonctionnons comme un État de droit », répète à longueur de discours Cyril Ramaphosa. « Mais si la prison est justifiée, il y aura des peines de prison ».

Lumkile Mondi, professeur à l’université du Witwatersrand à Johannesburg, est dubitatif. « Nous resterons sceptiques jusqu’à ce qu’un gros poisson de l’ANC finisse en prison ».

Mais il doute de la volonté du parti de se débarrasser de sa culture de corruption. « La lutte qui oppose les factions de l’ANC n’a rien à voir avec les pauvres ou l’éducation », deux thèmes très porteurs en Afrique du Sud, relève Lumkile Mondi. « Elle a pour seul ressort l’accès aux ressources publiques ».

Les promesses du président Ramaphosa font aussi hurler l’opposition, qui espère bien tirer les marrons électoraux du feu des scandales.

Crédibilité

« Tout le monde est convaincu que l’ANC est corrompue jusqu’à la moelle et que ça ne changera jamais », assène le chef de l’Alliance démocratique (DA, centre), Mmusi Maimane. « Je crois donc que pas mal d’électeurs de l’ANC vont s’abstenir ».

« Ils voulaient une « nouvelle ère », ils ont dit que (l’ANC) était propre », raille son alter ego des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), Julius Malema. « On est en train de profiter de tout ça », se frotte-t-il les mains.

Jusque-là, la popularité du chef de l’État n’en a pas pâti – 60% de satisfaits, selon un récent sondage – et les analystes prédisent toujours à l’ANC plus de la moitié des 400 sièges du Parlement.

Nullement gêné par les accusations qui le visent, Ace Magashule continue, lui, à faire campagne comme si de rien n’était. « D’abord gagnons les élections », a-t-il lancé jeudi. « Ensuite on se retrouvera pour discuter, pour rebâtir proprement l’ANC ».

« Tiens bon en ces temps difficiles », lui a même lancé vendredi, provocateur, sur Twitter son mentor Jacob Zuma.

Officiellement, l’ANC a pris ses distances avec Ace Magashule. « Cette affaire est désormais du ressort du seul secrétaire général », a tranché le parti. Et le président Ramaphosa se garde bien de s’afficher avec lui en campagne.

Mais les fidèles du parti s’inquiètent des fissures qui le lézardent.

« Magashule devrait démissionner car ces accusations pèsent sur tout le parti », juge un militant de sa province du Free State, Fourie Sentimile. Mais il veut croire que Cyril Ramaphosa saura faire le ménage. « Si on lui donne sa chance, on verra le changement ».

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