Soudan : le nouvel homme fort promet la rupture avec le régime Béchir
Abdel Fattah al-Burhane, à la tête de la transition, a promis samedi d’ « éliminer les racines » du régime d’Omar el-Béchir et annoncé une série de mesures en guise de concessions aux manifestants.
Abdel Fattah al-Burhane, le deuxième militaire à prendre la tête de la transition au Soudan en deux jours, a annoncé samedi la levée du couvre-feu, la libération de tous les manifestants arrêtés ces dernières semaines et promis d’ « éliminer les racines » du pouvoir déchu d’Omar el-Béchir.
Il s’est également engagé à faire juger les personnes ayant tué des manifestants, lors d’un discours à la nation retransmis en direct à la télévision d’État deux jours après le renversement d’Omar el-Béchir par l’armée.
Plusieurs dizaines de personnes sont mortes depuis le début du mouvement de contestation en décembre, né du triplement du prix du pain et qui a ensuite réclamé le départ d’Omar el-Béchir, au pouvoir depuis trois décennies.
Le Conseil militaire, chargé de la transition, a par ailleurs annoncé la démission du patron du puissant service de renseignement soudanais NISS, Salah Gosh, qui a dirigé la répression du mouvement de contestation ces derniers mois. Des milliers de manifestants, des responsables de l’opposition et des journalistes avaient été arrêtés.
Jeudi, peu après l’annonce de la destitution d’Omar el-Béchir, le NISS avait annoncé la libération de « tous les prisonniers politiques » du pays.
« Gouvernement de transition civil »
Par ses annonces samedi, le général Burhane entend visiblement montrer qu’il ne fait pas partie de la vieille garde et qu’il veut mener des réformes. En dépit de ce développement, la foule est restée mobilisée samedi devant le QG de l’armée.
Fer de lance de la contestation, l’Association des professionnels soudanais (SPA) a salué le départ d’Awad Ibn Awf mais a demandé que le général Burhane transfère rapidement « les pouvoirs du conseil militaire à un gouvernement de transition civil ».
Vendredi, les généraux au pouvoir se sont efforcés de rassurer la communauté internationale et les manifestants sur leurs intentions, promettant notamment de remettre les clés à un gouvernement civil. « Ce n’est pas un coup d’État militaire, mais une prise de position en faveur du peuple », a argué le général Omar Zinelabidine, membre du Conseil militaire, devant des diplomates arabes et africains. « Nous ouvrirons un dialogue avec les partis politiques pour examiner comment gérer le Soudan. Il y aura un gouvernement civil et nous n’interviendrons pas dans sa composition », a-t-il encore promis.
Le Conseil militaire a par ailleurs affirmé qu’Omar el-Béchir se trouvait en détention mais qu’il ne serait pas « livré à l’étranger », alors qu’il est sous le coup de deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI).
Samedi, le NCP, parti du président déchu, a lui réclamé la libération de ses chefs, sans mentionner explicitement le nom de Béchir.
« Retour à l’ordre constitutionnel »
Parmi les mesures décrétées dans la foulée par les militaires après la chute d’Omar el-Béchir figuraient un cessez-le-feu à travers le pays, notamment au Darfour (ouest), où un conflit a fait plus de 300 000 morts depuis 2003 selon l’ONU. Ces dernières années, le niveau de violence a cependant baissé dans la région.
Amnesty International a appelé à remettre Béchir à la CPI. En 2009, cette cour basée à La Haye avait lancé un mandat d’arrêt contre lui pour « crimes de guerre » et « contre l’humanité » au Darfour, ajoutant l’année suivante l’accusation de « génocide ».
Samedi, l’Arabie saoudite a affirmé son soutien au « peuple soudanais frère » et aux « mesures annoncées par le Conseil militaire de transition ». Le royaume annonce également l’envoi d’une aide humanitaire dont « des produits pétroliers, du blé et des médicaments ».
Le gouvernement des Émirats arabes unis a lui aussi salué la nomination d’Abdel Fattah al-Burhane qui reflète « les ambitions du peuple frère du Soudan vers la sécurité, la stabilité et le développement », a indiqué dans la nuit l’agence officielle WAM, ajoutant que le président a souhaité qu’Abou Dhabi communique avec le Conseil militaire de transition pour « explorer les perspectives d’accélérer une aide ».
Pour leur part, réunis en sommet à N’Djamena, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad) ont appelé « à une transition pacifique » et à un « retour à l’ordre constitutionnel » au Soudan.
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