Au Soudan, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis conservent leur influence

Les nouveaux maîtres du pouvoir à Khartoum suivent la voie esquissée par Omar el-Béchir avec le Golfe persique. Le général qui dirige le Conseil militaire de transition a annoncé que les troupes soudanaises restaient engagées au Yémen. De son côté, l’Arabie saoudite enverra une aide humanitaire au Soudan.

Des manifestants dans la capitale soudanaise Khartoum, vendredi 12 avril 2019. © Anonymous/AP/SIPA

Des manifestants dans la capitale soudanaise Khartoum, vendredi 12 avril 2019. © Anonymous/AP/SIPA

CRETOIS Jules

Publié le 28 mai 2019 Lecture : 4 minutes.

Le changement de pouvoir au Soudan ne semble pas avoir ébranlé l’influence de certains de ses alliés arabes, comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Peu après la destitution du président Omar el-Béchir le 11 avril dernier, l’armée soudanaise, par la voix du lieutenant général Mohamad Hamdan Daglo, a notamment décidé de maintenir sa participation à la coalition emmenée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen, a annoncé l’agence de presse soudanaise Suna. L’envoi de ces troupes avait été décidé par Omar el-Béchir en 2015.

Le général Abdel Fattah al-Burhane, qui a pris la tête du Conseil militaire de transition, a lui-même été commandant des forces terrestres soudanaises déployées au Yémen, selon les médias soudanais. On lui prête également de bonnes relations en Arabie saoudite. Des sources variées font état de la participation de plus de 10 000 ressortissants soudanais à la guerre au Yémen depuis son déclenchement. Un certain nombre ont connu les conflits au Darfour ou au Kordofan. Le retrait de la coalition a d’ailleurs été une revendication entendue durant les manifestations contre Omar el-Béchir.

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Dès la prise de pouvoir par Abdel Fattah al-Burhane, le 12 avril, Riyad et Abu Dhabi se sont empressées de lui apporter leur soutien. L’agence de presse officielle saoudienne (SPA) faisait même état d’envoi d’une aide humanitaire de la part du royaume à la République.

Alliés clés

Omar el-Béchir avait compté sur ses alliances multiples pour sortir de la crise politique, sur fond de tensions économiques. Les Émirats arabes unis avaient, selon un officiel soudanais, apporté au mois de janvier un financement à hauteur de 300 millions de dollars, sans compter une aide en pétrole.

À la même période, durant un déplacement à Khartoum, alors en pleine insurrection, le ministre saoudien du Commerce avait souligné que le royaume avait aidé le Soudan à hauteur de 2 milliards de dollars durant les quatre dernières années. L’année 2018 a été celle d’une accélération du partenariat économique soudano-saoudien. Des ministres saoudiens avaient ainsi visité le Soudan pour des investissements dans l’agriculture, un des principaux secteurs d’investissement des pays du Golfe dans le pays, avec les télécommunications et le BTP.

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Sous les dernières années de la présidence d’Omar el-Béchir, Khartoum a cherché à multiplier les partenaires diplomatiques. Le rapprochement avec Riyad avait été vu comme ayant accéléré la rupture brutale des relations diplomatiques entre le Soudan et l’Iran. D’un autre côté, el-Béchir multipliait les partenariats, y compris avec le Qatar, la Turquie et la Russie. Ces derniers pays lui avaient offert leur assistance économique au plus fort de la crise.

Les relations entre le Soudan et le Golfe persique sont nombreuses, et notamment économiques. Aujourd’hui, jusqu’à 500 000 travailleurs soudanais résident dans le Golfe, dont une partie importante en Arabie saoudite, selon différentes sources. Avec leurs envois d’argent, ils représentent un réel pilier économique pour le Soudan. En janvier 2018, Omar el-Béchir, à l’occasion de son discours annuel pour la commémoration de l’indépendance, avait tenu à remercier ses alliés du Golfe persique, en premier lieu l’Arabie saoudite.

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En 2017, lorsque le président américain Donald Trump a annoncé la levée de l’embargo qui pesait sur le Soudan, des médias américains ont relevé le lobbying des Émirats et de l’Arabie saoudite en faveur de cette décision.

La ligne de conduite de Riyad semble être celle de l’ordre. Le ministre saoudien du Commerce l’avait énoncé : « Le roi d’Arabie saoudite a aussi insisté sur le fait que la sécurité et la stabilité au Soudan participent de la sécurité et de la stabilité en Arabie saoudite. »

Soutien égyptien

Le 16 avril, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, lui aussi un proche allié de l’axe Riyad-Abu Dhabi, a apporté un soutien clair au Conseil militaire, après une discussion au téléphone avec Abdel Fattah al-Burhane, selon les médias égyptiens. Ce dernier s’est d’ailleurs rendu le 25 mai au Caire pour son premier déplacement à l’étranger depuis qu’il a pris les rênes du pouvoir dans son pays. Les relations entre les gradés égyptiens et soudanais sont multiples, régulières, et sur des modes variés. Les officiers se connaissent, souvent personnellement. Le prédécesseur de al-Burhane, Awad Ibn Awf, qui aura dirigé le Conseil militaire quelques heures seulement avant de laisser la main, avait déjà rencontré le président Sissi au nom d’el-Béchir.

L’appui diplomatique du Caire a également déjà profité au Conseil militaire. L’Égypte est en effet l’actuelle présidente de l’Union africaine. Après avoir exigé mi-avril un transfert du pouvoir aux civils sous 15 jours, l’organisation régionale a finalement donné un nouveau délai de 60 jours aux militaires pour céder les rênes.

Ces manœuvres ne passent pas inaperçues dans les rues de Khartoum. Les manifestants ont protesté devant l’ambassade du Caire début mai, demandant à Sissi de « s’occuper de ses affaires ». Des slogans à l’adresse de Riyad ont également été lancés, à l’instar de « Non à l’aide saoudienne ».

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