La bataille du Parlement

Le dialogue politique en vue des législatives de décembre connaît des ratés. L’opposition accuse la majorité d’obstruction et menace de boycotter le scrutin. Tout le monde attend l’arbitrage du chef de l’État.

Publié le 24 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Rumeurs sur la ville. Brainstorming à la primature et au ministère de l’Intérieur. Palabres soutenues et plans sur la comète dans les états-majors des partis politiques. On croyait le disque rayé. Mais, comme à la veille de chaque échéance électorale, la crispation se profile à l’horizon : les formations de l’opposition au régime du président Omar Bongo Ondimba – pour une fois unies dans la même démarche – menacent de ne pas participer aux législatives de décembre prochain. Toutes obédiences confondues, elles ont décidé, le 5 juillet, et le rappellent depuis, de suspendre leur participation aux travaux engagés pour la refonte du cadre électoral. Et dénoncé la « volonté manifeste de blocage » de la majorité présidentielle qui regroupe une quarantaine de partis.
À les en croire, les partisans du palais, le Parti démocratique gabonais (PDG) en tête, « affichent une attitude confinant au refus pur et simple de se soumettre à l’arbitrage du chef de l’État, rendu le 26 mai ». Pour vider le contentieux né de la présidentielle de novembre 2005 qui avait fini par amener Pierre Mamboundou, le chef de file de l’Union du peuple gabonais (UPG), à s’exiler plus d’un mois durant dans les locaux de l’ambassade de l’Afrique du Sud à Libreville, Bongo Ondimba l’avait reçu et réitéré son offre de dialogue ouvert à toutes les forces politiques. Dans la foulée, une « concertation » majorité-opposition, lancée le 12 mai, débouche sur un constat de désaccord et l’intervention du chef de l’État. Lequel parvient à arracher un accord après avoir obtenu de ses amis de faire plusieurs concessions.
Le président avait notamment décidé le retour au « collège électoral unique » (le vote, en même temps que les autres électeurs, des militaires ainsi que des policiers) et la mise en place d’un groupe paritaire chargé de créer une commission électorale « autonome, indépendante et permanente ». « J’ai dû trancher, j’ai pris mes responsabilités. [] Je sais que cela ne plaît pas à tout le monde », avait expliqué le numéro un gabonais qui estimait qu’il n’y avait « ni gagnant ni perdant. » « Acceptez ce qui a été fait », avait-il alors lancé aux représentants des formations politiques.
Il n’a apparemment pas été entendu. Le chantier ouvert reste entier ou presque, alors qu’un certain nombre de points promettent de faire l’objet d’âpres empoignades : mise à plat du fichier électoral, instauration d’un bulletin unique ; remise des procès-verbaux aux représentants des candidats ; financement des campagnes électorales ; restauration d’un mode de scrutin à deux tours, supprimé en 2003 par une réforme constitutionnelle ; accès de l’opposition aux médias d’État Celle-ci, notamment l’UPG de Mamboundou, qui avait déjà boudé les urnes lors des législatives de 2001, refuse d’aller aux prochaines si ses revendications n’étaient pas prises en compte.
Il s’agit pour les adversaires du régime, dont les ténors Pierre Mamboundou et Zacharie Myboto, l’ex-baron du régime devenu leader de l’Union gabonaise pour la démocratie et le développement (UGDD), qui veulent revenir en force dans l’Hémicycle, de « marquer un tournant décisif dans la transparence électorale dans le pays ». Et de stigmatiser cette démarche de la majorité qui « vise aujourd’hui, par tous les moyens, à maintenir et à prolonger les dispositions électorales actuelles, unanimement décriées ». À la mi-juin, Mamboundou en avait même appelé à la communauté internationale. « Au nom des partisans du changement qui vous en sauront gré, avait-il lancé, je voudrais vous exhorter à prendre votre juste place, pour nous accompagner dans cette uvre, même au nom du droit d’ingérence humanitaire, afin que lesdits accords ne restent pas lettre morte. » Surenchères, sabotage, simple peur d’affronter le suffrage universel
La mouvance présidentielle se cabre à son tour. D’autant plus que dans ses propres rangs chacune de ses composantes cherche à tirer son épingle du jeu. Les camarades du Rassemblement pour le Gabon (RPG, du vice-Premier ministre chargé du Transport et de l’Aviation civile Paul Mba Abessole) demeurent réticents à toute idée de fusion des écuries de la majorité avant les élections. Ils ne veulent pas non plus entendre parler de l’adoubement du chef du gouvernement Jean Eyeghé Ndong, qui est actuellement membre du Sénat, comme candidat au siège de député du 2e arrondissement de Libreville, celui précisément de Paul Mba Abessole. Au sein même du PDG, les différentes tendances, à commencer par celle des rénovateurs du ministre de la Défense Ali Bongo Ondimba de plus en plus présents dans l’appareil du parti, préparent la bataille des investitures. Ambiance.
Mais ainsi va le dialogue politique à Libreville, qui invite le chef de l’État à enfiler son boubou de juge de paix. Autant pour siffler la fin de la récréation pour ses partisans, qu’entre ceux-ci et les séides de l’opposition, tous déjà mobilisés dans la bataille des législatives, à quelque cinq mois de l’échéance.

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