« Jouer la carte de l’hinterland »

Pour Saïd Elhadi, le futur port Tanger-Méditerranée trouvera sa place dans le commerce maritime mondial.

Publié le 24 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Nommé président du directoire de l’Agence spéciale Tanger- Méditerranée (TMSA) en 2003, Saïd Elhadi, 39 ans, a débuté sa carrière en 1990 à l’Office d’exploitation des ports (Odep). Ingénieur de l’École des ponts et chaussées de Paris, il a rejoint, en 1997, le holding d’investissement SNI, actionnaire du premier groupe privé marocain, l’ONA, pour prendre la tête de Longométal, puis de la Sonasid (industrie sidérurgique).

Jeune Afrique : En quoi TMSA est-elle une structure innovante ?
saïd Elhadi : C’est la première fois que l’État marocain lance un projet d’infrastructures intégré, englobant un port et des zones d’activités desservis par la route, l’autoroute et le chemin de fer, dans le cadre d’un schéma d’aménagement du territoire. Deuxième singularité, l’Agence spéciale Tanger-Méditerranée créée en 2002 est une société anonyme dotée de prérogatives publiques, mais aussi de la souplesse exigée par le business : elle a autorité pour octroyer des concessions au nom de l’État. En juin 2005, le capital détenu par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) a été porté à 818 millions de dirhams [77 millions d’euros, NDLR], et le tour de table élargi au Fonds Hassan-II (92 %) et à l’État (8 %). L’investissement représente près de 1 milliard d’euros et sera couvert à hauteur de 60 % par TMSA et de 40 % par les concessionnaires privés.

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Quels objectifs économiques pour le nouveau port ?
D’une capacité de 3,5 millions de conteneurs, de 500 000 camions et de 5 millions de passagers, le port servira de plate-forme relais entre l’Asie, l’Amérique, l’Europe et l’Afrique. Il permettra au Maroc de jouer la carte « hinterland de l’Europe » et d’améliorer sa compétitivité grâce à une logistique connectée, d’attirer plus d’investissements et de créer des emplois. La logistique ignore la géographie, seuls les coûts comptent. Il s’agit d’atteindre une taille critique pour proposer les meilleurs coûts de fret à la croisée des routes maritimes, d’accroître la productivité de notre logistique portuaire pour servir de hub au trafic offshore international. Le Maroc pourra alors profiter de lignes régulières pour accroître ses échanges commerciaux, notamment avec l’Afrique de l’Ouest et centrale. D’autres objectifs stratégiques sont visés : désengorger Casablanca et sa région, opérer un rééquilibrage territorial pour une meilleure répartition des richesses, réduire les disparités entre les deux rives de la Méditerranée.

Quelles retombées pour la région ?
Le port et les zones franches alentour permettront de créer quelque 150 000 emplois à l’horizon 2020 et d’accueillir un millier d’entreprises. En régime de croisière, le port réalisera un chiffre d’affaires de l’ordre de 100 millions d’euros, et il n’est qu’un outil au service du développement régional. La valeur ajoutée proviendra surtout de l’immobilier, des industries, des sociétés de services, des commerces Ces revenus pérennes seront réinvestis pour mieux accompagner les populations. Le projet de Tanger-Med ne peut pas réussir si les besoins vitaux des riverains ne sont pas satisfaits. Il est prévu non seulement de mettre à niveau les principales villes de la région, mais aussi de créer trois nouveaux centres urbains le long de l’autoroute. Elles profiteront d’emblée des réseaux routier, ferroviaire, électrique, d’eau potable et d’assainissement mis en place pour Tanger-Med.

Les compétences sont rares dans la région, comment garantir que les emplois créés profiteront aux populations locales ?
Tanger et sa région doivent relever le défi d’acquérir une culture industrielle, grâce à la formation, mais aussi sur la base de l’expérience. Les entreprises de Tanger-Med devront forcément recruter du personnel qualifié dans d’autres régions du Maroc, ce qui sera au final bénéfique pour tous puisque cela permettra d’impulser une dynamique et de créer un pôle d’expertise.

La multiplication des zones franches ne constitue-t-elle pas un danger pour les entreprises locales ?
Avec la mondialisation, nos entreprises sont déjà confrontées à la concurrence internationale. Bien au contraire, les zones franches proposent des espaces équipés au moindre coût. Elles offrent aux entreprises locales l’opportunité de se mettre à niveau et de gagner en compétitivité, tout en restant sur le territoire marocain. Nous veillerons à ce que les règlements facilitent l’installation des entreprises marocaines en zone franche et les aident à concourir sur le marché international.

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Le projet Tanger-Méditerranée ne risque-t-il pas de favoriser le développement de l’informel et de la contrebande ?
Pas du tout. Cet espace sera sévèrement contrôlé et sécurisé. Il en va de sa réputation, de sa compétitivité et de sa réussite. Les flux indésirables s’expliquent par les disparités économiques entre l’Europe et l’Afrique. La prospérité est le seul remède.

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