Einstein, un mari comme les autres

L’Université hébraïque de Jérusalem a publié 1 400 lettres du physicien. On en apprend de belles sur sa vie privée

Publié le 24 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

Il aurait vécu en 2006 qu’il serait un « client » régulier des paparazzi de la presse à scandale : avec une demi-douzaine de liaisons extra-conjugales, un premier mariage raté avec Mileva Maric – mère de ses deux enfants -, un deuxième avec sa cousine Elsa, qu’il trompait allègrement avec sa secrétaire Betty Neumann, il y aurait de quoi faire.
Ces péripéties de la vie privée d’Albert Einstein sont tirées d’un ensemble de 1 400 lettres écrites par le célèbre physicien entre 1912 et 1955, année de sa mort. Le 10 juillet dernier, l’Université hébraïque de Jérusalem a décidé de les publier, plus de vingt ans après que la belle-fille du savant lui en eut fait le don. Ce matériel épistolaire jette un éclairage nouveau sur la personnalité du père de la théorie de la relativité. Théorie dont il dit, d’ailleurs, dans une carte postale adressée à Elsa en 1921, qu’il en sera « bientôt dégoûté. [] Même l’intérêt pour une telle chose s’émousse lorsqu’on y est par trop impliqué ».
Alors, Einstein, un goujat lubrique ? En jugera qui veut : il traitait sa femme comme une employée, « mais une employée qu’il ne pouvait pas congédier ». Avec Mileva, ils faisaient chambre à part et il pouvait, quand ça lui chantait, lui interdire l’accès de son bureau.
Avec son allure de professeur Tournesol, on a du mal à l’imaginer autrement que dans son laboratoire. Mais voilà : le génie n’était qu’un homme comme tant d’autres, « accroché à l’exquis banquet des sens », comme dirait l’écrivain sud-africain John M. Coetzee. Dans une tranquille indifférence à la notion de culpabilité.
L’idée de l’Université de Jérusalem – fondée par Albert Einstein et Sigmund Freud – n’est pas de jeter une ombre sur l’uvre du savant en soulignant l’insigne médiocrité de sa vie privée. Ce qu’on pourrait en retenir, c’est surtout la formidable leçon de liberté et d’indépendance que l’apparente ambiguïté de sa vie délivre : ce juif actif, qui émigra aux États-Unis et soutint la création du futur État d’Israël, refusa pourtant d’en devenir le président quand Ben Gourion lui en fit la proposition. Parce qu’« un président d’Israël doit parfois signer des choses qu’il désapprouve ». Cet homme sensible au sionisme faisait remarquer que, « sans coopération honnête avec les Arabes, pas de paix ni de prospérité » pour Israël. Le père de la bombe atomique était un pacifiste déterminé, un militant des droits de l’homme, et détestait l’armée.
Cet homme au QI exceptionnellement élevé a paradoxalement connu le chômage, la précarité et l’apatridie, sans se renier. Enfin reconnu et respecté, il a pris le risque de proclamer ses convictions socialistes en pleine hystérie anticommuniste dans l’Amérique du maccarthysme. La publication de son courrier, si elle a un mérite, est de contribuer à humaniser un cerveau dont les travaux ont, contre sa volonté, abouti à la fabrication de l’arme la plus terrifiante qui ait jamais menacé l’humanité.

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