Edgar Morin blanchi en cassation

Publié le 24 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

A Paris, la Cour de cassation a mis fin le 12 juillet à un feuilleton judiciaire à rebondissements en annulant la condamnation prononcée par la cour d’appel de Versailles à l’encontre du sociologue Edgar Morin, du député européen Sami Naïr et de l’écrivain Danièle Sallenave. Deux associations, France-Israël et Avocats sans frontières, avaient en effet estimé que la tribune publiée par ces trois auteurs dans Le Monde du 4 juin 2002 sous le titre « Israël-Palestine : le cancer » présentait un caractère antisémite. Elle visait, selon les plaignants, « toute une nation ou un groupe religieux dans sa quasi-globalité ». Diffamation aggravée par un « glissement sémantique » supposé : des « juifs d’Israël » aux « juifs » en général.
Premier passage incriminé : « On a peine à imaginer qu’une nation de fugitifs issus du peuple le plus longtemps persécuté dans l’histoire de l’humanité, ayant subi les pires humiliations et le pire mépris, soit capable de se transformer en deux générations en peuple dominateur et sûr de lui, et, à l’exception d’une admirable minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier. » Le second passage est de la même eau : « Les Juifs d’Israël, descendant des victimes d’un apartheid nommé ghetto, ghettoïsent à leur tour les Palestiniens, écrivait Morin. Les juifs, qui furent humiliés, méprisés, persécutés, humilient, méprisent, persécutent les Palestiniens. »
Lui-même juif séfarade originaire de Salonique, en Grèce orientale, Edgar Morin (82 ans), dont le père émigra en 1919 dans le quartier parisien de Ménilmontant, fut, à la suite de la publication de cette tribune, accusé de trahir les siens, d’être un « juif honteux [] qui crache sur son peuple en l’insultant ». Au lendemain de sa condamnation en appel, Jean-Claude Guillebaud, son éditeur, avait lancé dans Libération une pétition de soutien signée par cent cinquante personnalités. « Nous nous inquiétons légitimement, écrivaient les signataires, de toute mesure tendant à réduire la liberté de critique à l’encontre d’un État, quel qu’il soit. »
Auteur de La Rumeur d’Orléans (1969), un essai sur un délire antisémite dans la France profonde, Morin est un ancien résistant, universaliste, pacifiste et admirateur du dalaï-lama et de Nelson Mandela. Il se montre évidemment consterné par toute cette affaire : « Ces insultes nient toute ma vie », dit-il. Mais il assume sa condition de franc-tireur, se revendique « juif spinozant » (c’est-à-dire laïc) et se veut le critique vigilant de la politique de l’État d’Israël.
La Cour de cassation a estimé que « les propos poursuivis [] sont l’expression d’une opinion qui relève du simple débat d’idées ».

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