Arrestations d’opposants et crise anglophone au Cameroun : le parlement européen hausse le ton

Atteintes aux droits de l’homme, gestion de la crise anglophone, violences policières, arrestations arbitraires… Le Parlement européen a adopté jeudi une résolution très critique vis-à-vis des autorités camerounaises.

Le Parlement européen, en 2017 (illustration). © Jean Francois Badias/AP/SIPA

Le Parlement européen, en 2017 (illustration). © Jean Francois Badias/AP/SIPA

Franck Foute © Franck Foute

Publié le 19 avril 2019 Lecture : 3 minutes.

Le parlement européen a adopté jeudi une résolution dénonçant la situation politique au Cameroun, au terme d’une trentaine de minutes de débats, au cours desquelles les membres des différentes commissions ayant participé à la rédaction dudit texte se sont exprimés sur le cas camerounais.

« Les menaces sur la sécurité [au Cameroun] pèse aussi sur la liberté d’expression. L’arrestation du principal opposant en réponse aux manifestations faisant suite à l’élection de 2018, n’en est que le dernier incident», a lancé, jeudi, l’eurodéputé (conservateur) britannique Charles Tannock. « Maurice Kamto est en détention pour rébellion et atteinte à la sûreté de l’État, dans un pays partenaire dans la lutte contre le terrorisme de Boko Haram ; ce qui nous fait nous préoccuper des abus nés de la législation anti-terrorisme de 2014 », a-t-il ajouté.

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Un avis contraire à celui exprimé par la député française du Front national Dominique Bilde, qui a condamné ce qu’elle considère comme une tentative « d’ingérence » des États membres de l’UE. « Le combat contre le terrorisme, le Cameroun l’aura porté au delà de ses propres frontières. Et c’est en dépit d’une situation intérieure difficile, qu’il a longtemps accueilli des milliers de refugies nigérians fuyant la barbarie islamiste. Voilà les faits d’armes du Camerounais, à des années lumière du portrait au vitriol que certains croient bon de brosser », assure-t-elle.

« Réaction disproportionnée »

Maurice Kamto, dans son QG de campagne le 8 octobre à Yaoundé. © REUTERS/Zohra Bensemra

Maurice Kamto, dans son QG de campagne le 8 octobre à Yaoundé. © REUTERS/Zohra Bensemra

Le texte a certes été amendé, mais la résolution adoptée n’épargne pas Yaoundé. La proposition issue des commissions demandant explicitement à l’Union européenne et à ses États membres de « veiller à ce qu’aucune aide accordée aux autorités camerounaises ne puisse contribuer à des violations des droits de l’homme ni les faciliter » a ainsi disparu du texte finalement adopté.

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Mais celui-ci mentionne « la modification de la Constitution de 2008 » ayant permit à Paul Biya de se représenter et de remporter des élections « entachées de fraudes », de même que les « arrestations arbitraires » des militants et alliés du MRC de Maurice Kamto. Une interpellation condamnée par la Commission, qui déplore également le manque de respect des droits du leader du MRC et de ses co-déténus.

« Depuis les élections d’octobre dernier, nous avons constaté qu’il y avait des tensions dans le pays, en particulier dans les régions anglophones ainsi qu’une régression des droits politiques. Des prisonniers politiques qui s’exposent à de lourdes peines de prison, une interdiction de facto des manifestations publiques, sachant que tout ceci n’est pas conforme à la Constitution font désormais le quotidien de ce pays », a commenté devant les élus la Haute représentante de l’Union européenne, Federica Mogherini.

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Selon la résolution, l’organisation de procès dans des tribunaux militaires dénotent d’une « réaction disproportionnée » qui a eu pour conséquence d’aggraver les troubles politiques dans le pays. Le Parlement demande au gouvernement camerounais de mettre un terme « au harcèlement et à l’intimidation des militants politiques », notamment en levant l’interdiction des rassemblements et des manifestations politiques pacifiques.

« Violence à l’encontre de la communauté anglophone »

Marché de Buea © Bmnda, CC, wikimedia Commons

Marché de Buea © Bmnda, CC, wikimedia Commons

Le texte évoque également la crise anglophone qui sévit depuis 2016. La résolution pointe les violences qui gangrènent les deux régions séparatistes, dont « les meurtres commis par des groupes armés et les exécutions extrajudiciaires perpétrées par les forces de l’État, notamment des soldats camerounais, des gendarmes et des membres du bataillon d’intervention rapide ». Des exactions pour lesquelles le texte réclame « une enquête indépendante ».

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« Le Parlement déplore le manque de volonté des deux parties au conflit à s’engager dans des pourparlers de paix ; insiste auprès de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale pour qu’elles s’emploient à convaincre le Cameroun d’organiser de tels pourparlers ; (…) estime qu’à défaut de progrès à ce niveau, la crise au Cameroun devra être portée à l’attention du Conseil de sécurité des Nations unies », lit-on dans la résolution.

Les Institutions européennes suivent de très près la situation politique camerounaise. Le 5 mars dernier, la haute représentante de l’UE, Federica Mogherini avait ainsi dénoncé « le malaise politique » grandissant au Cameroun. Ce jeudi, les parlementaires européens ont bel et bien haussé le ton.

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