Cameroun : S&P fait passer la perspective de « stable » à « négative »
L’agence de notation Standard & Poor’s maintient la note « B » attribuée à la dette souveraine du pays, à long et à court terme, mais elle s’inquiète d’une hausse des risques budgétaires et sécuritaires.
Si elle maintient la note « B/B » (catégorie très spéculatif) attribuée à la dette souveraine du Cameroun à long et à court termes, non sans nourrir des inquiétudes, l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) révise pour la première fois la perspective de ces notes, en la faisant passer de « stable » à « négative ». Une manière de mettre en exergue les « risques extérieurs et budgétaires » pesant sur le pays.
« La perspective négative signifie que nous pourrions abaisser les notes du Cameroun au cours des 12 prochains mois si les déficits budgétaires ou le ratio de la dette publique nette rapporté au PIB dépassaient nos prévisions actuelles, si les pressions extérieures dépassaient nos anticipations, ou si l’environnement social et politique se détériorait considérablement, par exemple, en limitant l’accès du gouvernement au financement », souligne le communiqué du 12 avril.
Les raisons de l’inquiétudes
La crise anglophone pèse considérablement le secteur agricole. Les productions du cacao et de café, dont les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (20% de la population) constituent les principaux bassins, ont baissé.
En outre, la Cameroon Development Corporation (CDC), principale agro-industriel de la zone et deuxième employeur après l’État a considérablement réduit ses activités. À cela s’ajoute le fait que la menace que la secte nigériane Boko Haram fait peser dans le septentrion persiste, selon S&P. « Si l’environnement sécuritaire, social et politique se détériorait davantage, la performance économique souffrirait plus que nous ne le prévoyons actuellement », prévient l’agence.
À ce risque sécuritaire, qui entraîne une augmentation des dépenses, s’ajoute une dette publique extérieure qui continue de croître de manière inquiétante, sous l’effet des projets d’infrastructure liés à la Coupe d’Afrique des nations, dont l’organisation – récemment retirée au Cameroun pour 2019 -, devrait y avoir lieu en 2021.
Après avoir atteint 33,9% en 2018, la dette publique devrait se situer à 36,1% du PIB cette année et culminer à 41,% à l’horizon 2022. Même si le pays « pourrait être confronté au durcissement des conditions d’accès au financement extérieur si les tensions sociales et politiques s’aggravaient », indique l’agence de notation.
Hausse possible du déficit budgétaire
Cette situation n’est pas sans conséquence sur ses indicateurs. Le déficit budgétaire, qui s’est amélioré l’année écoulée, à 2,6 % du PIB, remonterait à 3% cette année pour se stabiliser à ce niveau durant les trois prochaines années. Des dérapages ne sont cependant pas à exclure, comme en 2016 et 2017 du fait des dépenses sécuritaires, de la subvention sur les carburants ou des investissements dans les infrastructures liées à la CAN.
Ces dernières induiront une hausse des importations des biens d’équipement, risquant d’impacter le déficit courant qui a légèrement baissé (3,3% du Pib en 2019), et devrait en principe suivre cette trajectoire pour également se stabiliser à 3% sur les trois prochaines années.
Et après le programme de soutient du FMI ?
Le taux de croissance est estimé à 4% cette année, niveau auquel il devrait se maintenir jusqu’à l’horizon 2022. L’activité sera soutenue par la montée en puissance de la production gazière et de l’activité du port de Kribi, ainsi que l’accroissement de la production énergétique, dû à l’entrée en service des barrages de Memve’ele (216 MW) et de Lom Pangar.
S&P redoute également que la fin des programmes économiques conclus entre le FMI et le Cameroun, le Gabon, le Tchad et la Centrarfrique, prévue cette année, ne provoque un choc macroéconomique à l’échelle de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
L’agence laisse toutefois une porte ouverte. « Nous pourrions réviser la perspective à « stable » si les tensions sociales et politiques s’apaisaient, les déficits budgétaires et le ratio de la dette publique nette au PIB diminuaient, et si les pressions extérieures se réduisaient grâce, par exemple, à la production de gaz dépassant les prévisions à moyen terme », conclut-elle.
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