Taoufik Baccar

Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie

Publié le 24 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

Lors de son départ du ministère des Finances et de son arrivée à la tête de la Banque centrale de Tunisie (BCT), au mois de janvier dernier, beaucoup s’étaient interrogés : s’agissait-il vraiment d’une promotion ? Indifférent à ces spéculations, Taoufik Baccar s’est mis au travail. Sans états d’âme. Quatre mois après, la réponse s’impose : il a réussi son entrée.
En avril, l’emprunt obligataire lancé sur les marchés financiers internationaux, au nom de l’État tunisien, a constitué une véritable performance. Alors que l’objectif de départ était de 300 millions d’euros, la demande des investisseurs a été plus de trois fois supérieure (1,1 milliard). Finalement, décision a été prise d’en « lever » 450 millions. Et à un taux d’intérêt – 4,825 % sur sept ans – « pas très éloigné » des taux préférentiels consentis par certaines institutions spécialisées dans le financement du développement.
Preuve, sans doute, du rôle grandissant que la Banque centrale et le secteur financier sont appelés à jouer pour accompagner la relance de l’économie, Baccar participe à toutes les réunions du Conseil des ministres, alors que ses prédécesseurs n’y assistaient qu’occasionnellement. « Dans la situation difficile que traverse le secteur bancaire, on avait besoin d’un homme fort, capable de faire face à la situation », estime un banquier.
C’est avant tout sur la mise à niveau du secteur financier et la question du crédit bancaire (lequel a fait l’objet d’un sérieux tour de vis en 2002-2003) que les opérateurs économiques l’attendent. Lors d’un séminaire organisé à Tunis, en mars, par la Banque mondiale sur le thème de l’insolvabilité bancaire, Baccar s’est engagé à veiller à l’assise financière des banques tunisiennes et à imposer « une culture de la vigilance et de la prudence ». Mais en se gardant de tout excès « préjudiciable aux règles de la concurrence et aux conditions minimales exigées par la discipline du marché ».
En matière monétaire, aucun changement n’est perceptible par rapport à la politique menée par Mohamed Daouas, son prédécesseur. La volatilité des marchés des changes (et notamment du dollar) l’incite à un certain conservatisme consistant à « coller » à l’euro, principale monnaie des échanges extérieurs du pays.
Le récent dérapage du taux d’inflation (4,7 % à la fin mars, en rythme annuel) ne l’inquiète pas outre mesure. Il y a d’une part, explique-t-il, une surchauffe des prix consécutive au renchérissement des matières premières importées (maïs, soja, pétrole, etc.). De l’autre, sur le marché intérieur, une flambée conjoncturelle des prix des produits alimentaires, qui est d’ailleurs en train de s’estomper.
S’il n’a aucune expérience pratique du métier de banquier, Baccar dispose, en revanche, d’une connaissance approfondie des données macroéconomiques. Diplômé de l’École nationale d’administration de Tunis, il a fait l’essentiel de sa carrière, à partir de 1982, au ministère du Plan et des Finances (devenu depuis celui du Développement économique), cette pépinière de technocrates. Il y a dirigé le département des ressources humaines, avant d’accéder, en 1990, au poste de secrétaire général, puis à celui de ministre, cinq ans plus tard.
Titulaire du portefeuille des Finances à partir d’avril 1999, il a déployé beaucoup d’ingéniosité pour réduire le déficit budgétaire. Celui-ci a été ramené de 3,5 % du Produit intérieur brut (PIB) en 1999 à 2,7 % quatre ans plus tard. Fin 2003, le taux d’endettement extérieur ne dépassait pas 52 % du PIB. Et le service de la dette 13 % des recettes courantes.
Rien ne semblait prédestiner Taoufik Baccar, né il y a cinquante-trois ans à Chenini, un village berbère perdu dans le désert du Sud tunisien, à une telle carrière. Rien, sinon son exceptionnelle capacité de travail. Par la fenêtre de son bureau, on aperçoit souvent de la lumière jusque tard dans la nuit. Et il n’est pas rare qu’il vienne travailler le week-end.
À la fois sérieux et décontracté, il conserve, en dépit de sa chevelure grisonnante, une allure d’éternel étudiant. Observez un groupe de responsables politiques à l’issue d’une quelconque réunion. Si un éclat de rire retentit, soyez sûr que Taoufik Baccar est dans le coup.

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