Ouganda : l’opposant Bobi Wine interpellé par la police
Le chanteur et député d’opposition Bobi Wine, potentiel adversaire du président Yoweri Museveni à la présidentielle de 2021, a été interpellé lundi par la police, qui a utilisé du gaz lacrymogène contre ses partisans et le convoi qui l’emmenait vers le lieu d’un concert interdit par les autorités.
« Il a été arrêté (dans le quartier de) Busabala, où il devait parler aux médias à propos de l’annulation de son concert par la police », a déclaré à l’AFP Barbie Itungo Kyagulanyi, l’épouse du chanteur. « Nous avons contacté ses avocats pour savoir où il est emmené ».
Reconnaissable à son béret rouge, Bobi Wine, Robert Kyagulanyi de son vrai nom, s’est affirmé depuis 2017 comme un ferme opposant au président Museveni, 74 ans et au pouvoir depuis 1986. Il a récemment indiqué envisager de se présenter à la présidentielle de 2021.
Le porte-parole de la police ougandaise Fred Enanga n’a lui pas voulu confirmer une « arrestation », mais a indiqué que la police « l’a interpellé et l’a emmené en véhicule ».
Bobi Wine avait prévu de donner un concert lundi sur une plage privée du lac Victoria qui lui appartient. Mais les autorités ont décidé dimanche d’annuler le concert, évoquant des mesures de sécurité insuffisantes.
Lundi, Bobi Wine a tenté de se rendre sur le lieu du concert, qui avait été bouclé par la police.
Le porte-parole de la police Fred Enanga a assuré que malgré l’interdiction, « les organisateurs avaient été de l’avant et mobilisé des gens du côté de la plage ». « C’est ce qui explique la présence policière dans la zone ».
Selon un journaliste de l’AFP présent sur place, la police et l’armée avaient été mobilisées. Ces dernières ont utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau contre quelques centaines de partisans du député présents autour d’un barrage des forces de l’ordre à proximité du lieu du concert prévu.
La voiture de Bobi Wine a été immobilisée au niveau de ce barrage. Les forces de l’ordre ont ensuite encerclé la voiture, dont elles ont extrait de force le chanteur, selon la même source.
Un des organisateurs du concert et partisan de Bobi Wine, Moses Mugwanya, présent sur place, a assuré que « tout le monde autour du véhicule suffoquait à cause du gaz lacrymogène ».
M. Mugwanya a affirmé qu’un autre député d’opposition, Francis Zake, ainsi que deux organisateurs ont été arrêtés lundi.
Trahison
Juste avant son interpellation, Bobi Wine avait indiqué sur son compte Twitter que la police tentait de pénétrer dans sa voiture. « Du gaz lacrymogène tiré, des gens battus, beaucoup arrêtés ».
Plus tard, un message signé « admin » a été publié sur le même compte, assurant que le député a été « violemment arrêté ».
Ces derniers mois, les autorités ont à plusieurs reprises empêché Bobi Wine, 37 ans, de se produire en public. En novembre, un de ses concerts avait toutefois été autorisé après que le chanteur se soit engagé à ne pas en faire un évènement à caractère politique.
Le député d’opposition avait été arrêté et inculpé de trahison à la suite du caillassage du convoi de M. Museveni en marge d’une élection législative partielle à Arua (nord) le 14 août 2018. Dans les échauffourées qui avaient suivi ce jour-là à Arua, la police avait ouvert le feu et tué le chauffeur de Bobi Wine.
Lors de sa détention provisoire en août 2018, Bobi Wine a affirmé avoir été battu et torturé par la police, ce que les autorités démentent. Une fois libéré, il s’était rendu trois semaines aux États-Unis pour des soins.
Les arrestation et inculpation en août de Bobi Wine avaient entraîné des manifestations de protestation violemment réprimées par la police et l’armée.
M. Museveni, ancien guérillero, est le seul président que la plupart des Ougandais connaissent, dans un pays où un habitant sur deux a moins de 16 ans. Et celui-ci s’accroche : la Constitution a été récemment modifiée pour supprimer la limite d’âge pour briguer la présidence, l’autorisant ainsi à se présenter pour un sixième mandat en 2021.
L’album de Bobi Wine sorti au printemps 2018, « Kyarenga », signifie « c’en est trop » dans une langue de l’ouest du pays. Pour de nombreux observateurs, il s’agit d’un message caché à destination du président Museveni.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Maroc-Algérie : que contiennent les archives sur la frontière promises par Macron ?
- La justice sénégalaise fait reporter l’inhumation de Mamadou Moustapha Ba, évoquan...
- Une « nouvelle conception de l’autorité » : Mohamed Mhidia, un wali providentiel à...
- Les sextapes de Bello font le buzz au-delà de la Guinée équatoriale
- Sextapes et argent public : les Obiang pris dans l’ouragan Bello