Sahara, l’autre front

Les États-Unis mobilisent les pays du Sahel contre la menace d’el-Qaïda. En évitant de déployer massivement des troupes sur le terrain.

Publié le 24 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

Le Sahara risque-t-il de devenir un nouvel Afghanistan ? La menace est prise très au sérieux par le Commandement des forces armées américaines en Europe (dont le siège est à Stuttgart, en Allemagne). Surtout depuis les attentats du 11 mars, à Madrid. Pour y faire échec, l’état-major américain, tirant la leçon des erreurs passées, exclut un déploiement massif de troupes sur le terrain, mais multiplie l’envoi de commandos des Forces spéciales. Au Mali et en Mauritanie, notamment. Ceux-ci ont pour mission de former des soldats et de les équiper de camions, de radios et de matériel de repérage.
« Nous voulons éviter de débarquer en Afrique du Nord comme nous l’avons fait en Afghanistan, explique le colonel Powl Smith, chef du contre-terrorisme au Commandement européen. L’objectif est d’aider les autorités locales à mener elles-mêmes le combat, de façon à ne pas provoquer un mécontentement populaire que les radicaux ne manqueraient pas d’exploiter. »
Les services américains sont convaincus que les militants d’el-Qaïda chassés d’Afghanistan n’entrent pas en Afrique par la côte méditerranéenne, beaucoup trop surveillée, mais utilisent des itinéraires terrestres. Ce fut notamment le cas du Yéménite Imad Abdelwahid Ahmed Alwan, alias Abou Mohamed, qui, en 2001, traversa le continent d’Est en Ouest. Proche d’Ayman al-Zawahiri, le lieutenant d’Oussama Ben Laden, Alwan participa, en octobre 2000, à l’attentat contre le destroyer américain USS Cole. Il préparait une autre opération contre l’ambassade des États-Unis à Bamako, au Mali, lorsqu’il a été tué en Algérie, en septembre 2001.
Sa présence dans la région a incité les Américains à accélérer la mise en oeuvre de la stratégie élaborée après le 11 septembre 2001. En collaboration avec les pays du Sud-Ouest sahélien, ils ont resserré les contrôles aux frontières et renforcé la surveillance policière afin d’empêcher l’installation des terroristes. Baptisé « Initiative pansahélienne », ce plan a été doté d’un budget de 7 millions de dollars. Il est actuellement appliqué au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Tchad. Et pourrait l’être prochainement au Sénégal et dans d’autres pays. Le Commandement de Stuttgart a demandé 125 millions de dollars de crédit, sur cinq ans.
Autre personnage justifiant les précautions américaines : Amara Saïfi, alias Abderrezak el-Para, un ancien parachutiste des Forces spéciales algériennes. Numéro deux du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), un mouvement terroriste créé en 1998 et très lié à el-Qaïda, ce dernier s’est tristement illustré, en février 2003, par l’enlèvement de trente-deux touristes européens à la frontière libyenne. L’Allemagne aurait payé près de 6 millions de dollars pour leur libération.
Au début de l’année, el-Para a entrepris une tournée dans le nord du Mali pour acheter des armes et des véhicules, sans se douter qu’il était discrètement surveillé par les services de renseignements algériens et américains. En février, les Algériens ont intercepté un convoi transportant des mortiers, des lance-grenades et des missiles sol-air. Le Commandement américain en Europe a aussitôt envoyé un appareil de surveillance P-3 Orion qui a signalé les positions des groupes du GSPC dans la région. Ces derniers ont été expulsés du Mali vers le Niger, puis vers le Tchad. Au cours d’une opération appuyée par les Forces spéciales américaines, quarante-trois hommes d’el-Para ont été tués ou capturés au nord du lac Tchad.
En avril, les chefs militaires de neuf pays africains ont été invités à Stuttgart, au QG du Commandement américain. Curieusement, certains de ces généraux, notamment les Maliens et les Sénégalais, ne s’étaient jamais rencontrés. D’autres, comme les Marocains et les Algériens, entretenaient jusqu’ici des relations plutôt tendues. Tous sont aujourd’hui conscients de la gravité de la menace terroriste sur leurs territoires respectifs. Au Burkina, par exemple, les autorités sont informées de la présence de prédicateurs salafistes jusque dans les coins les plus reculés du pays.
Pour les responsables américains, de telles réunions sont très importantes, parce qu’elles permettent de combler une lacune. Les combattants islamistes entretiennent en effet des contacts étroits, alors que ce n’était jusqu’à présent pas le cas des gouvernements de la région.

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