Réamorcer la pompe

Après une longue léthargie, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale redémarre, sous l’autorité d’un président ambitieux.

Publié le 24 mai 2004 Lecture : 4 minutes.

Après avoir mis ses activités en sommeil pendant plus de dix ans, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) a repris ses opérations de financement en septembre 2003. À la grande satisfaction de son président Anicet-Georges Dologuélé, 47 ans, qui ne ménage pas ses efforts pour rénover cette institution et lui rendre sa crédibilité.
Nommé par les chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) en août 2001, Anicet-Georges Dologuélé conduit un ambitieux programme d’assainissement. Une mission taillée sur mesure pour cet ancien Premier ministre de Centrafrique (1997-2001), que le président Ange-Félix Patassé avait choisi pour remettre de l’ordre dans les finances du pays. Auparavant, celui que l’on appelle également « monsieur Propre » avait déjà servi pendant quinze ans à la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) à divers postes de responsabilité, et s’y était fait une solide réputation d’homme intègre.
Aujourd’hui, il obtient ses premiers résultats à la tête de la BDEAC. Créée en 1975, la banque a financé des projets régionaux pour un montant de 58 milliards de F CFA (88,5 millions d’euros) jusqu’au début des années 1990, avant de plonger dans une longue léthargie pendant laquelle l’établissement s’est consacré uniquement à l’apurement de son passif. La BDEAC a effectivement connu des difficultés à la suite de quelques crédits accordés avec un peu trop d’enthousiasme dans les années 1980. La BDEAC s’était donc retrouvée avec des ardoises alors que, dans le même temps, les États de la Cemac honoraient leurs contributions de manière très irrégulière.
Dans la seconde moitié des années 1990, la banque a commencé à faire du recouvrement, mais la crise congolaise – le siège de l’institution se trouve à Brazzaville – et des problèmes de mauvaise gestion ont fortement perturbé l’activité.
En septembre 2001, les chefs d’État ont décidé de donner un nouveau souffle à la BDEAC en plaçant à sa tête Anicet-Georges Dologuélé. Ce dernier a préparé un programme de relance qui prévoit notamment une augmentation du capital et l’établissement de mécanismes de sanctions pour éviter les arriérés de paiements. Le capital est donc passé de 57,25 milliards à 81,45 milliards de F CFA, et la direction a établi un plan d’affaires pour la reprise des activités. « Les États ont complètement remboursé leur dette à l’égard de l’institution, indique-t-il aujourd’hui en évoquant son plan. La philosophie est de redéployer nos actions de manière prudente. Nous prenons le temps de trouver de bons partenaires, sachant que nous sommes en période de reconquête de notre crédibilité. » La stratégie de la BDEAC consiste à nouer des alliances avec des institutions renommées comme la Banque africaine de développement (BAD) ou la BEAC pour cofinancer des projets, ou bien accorder des lignes de crédit aux banques commerciales qui ne disposent pas de suffisamment de ressources. Et ainsi leur permettre d’appuyer les activités des PMI-PME, lesquelles souffrent d’une cruelle absence de financement à moyen et long terme.
La BDEAC a prévu d’engager quelque 25 milliards de F CFA pour la période 2003-2004, dont 6 milliards sur fonds propres et le reste sur emprunts auprès des grandes banques de développement. En cofinançant des projets, la banque souhaite bénéficier de l’expertise des autres bailleurs et partager les risques. Ses premières interventions, pour 1,48 milliard de F CFA, se sont faites en direction du chantier de réparation des plates-formes pétrolières de Limbé, au Cameroun, en coopération avec la BAD, la Banque islamique de développement (BID), la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea) et la Coopération hollandaise.
L’institution appuie également le renouvellement des infrastructures de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna), pour 6 milliards de F CFA, aux côtés de l’AFD, de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). Une enveloppe additionnelle de 8 milliards de F CFA est à l’étude. La BDEAC a, en outre, pris une participation de 200 millions de F CFA dans la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) de Libreville, au Gabon.
De nombreux autres projets sont à l’étude, notamment dans le domaine de l’agro-industrie (sucre, produits alimentaires, huile de palme, hévéa…) et les infrastructures aéroportuaires de Brazzaville et de Libreville. « Nous allons lancer d’ici à la fin de l’année des émissions obligataires pour capter la trésorerie des banques, des assurances et des caisses de retraite, et les mettre à disposition du secteur bancaire pour financer les PMI-PME », ajoute le président de la BDEAC. Le plancher est fixé à 200 millions de F CFA pour les industriels et les banques qui sollicitent un prêt.
Enfin, la BDEAC est sollicitée pour son expertise technique, notamment pour l’élaboration du plan consensuel pour les transports en Afrique centrale et la gestion du Fonds économique de la communauté (Fodec), dont le rôle est de financer des projets de développement dans les pays de la Cemac.
Les responsables de la BDEAC ont retrouvé le siège de Brazzaville en octobre 2000, abandonné deux fois pendant la crise qu’a traversée le pays. L’immeuble qui se trouve dans le quartier du Plateau, en face de la présidence, a retrouvé un certain prestige : installation du câble, d’Internet à haut débit et de la télévision par satellite. Les cadres de l’institution, livrés à eux-mêmes pendant de nombreuses années, se mettent à niveau pour coller aux évolutions des techniques financières. Le président de l’institution attend beaucoup d’eux et souhaite instaurer un système d’émulation. « Nous évoluons vers un management au mérite », précise-t-il. Le mandat d’Anicet-Georges Dologuélé s’achèvera en 2006. Ce passionné de golf, qui se dit à la fois fonceur et réfléchi, sera-t-il candidat à sa propre succession ? « J’ai une mission qui n’a pas encore porté ses fruits », répond-il sobrement.

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