Mgr Hyacinthe Thiandoum

L’ancien archevêque de Dakar est décédé le 18 mai en France

Publié le 24 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

Mgr Thiandoum s’en est allé. L’ancien archevêque de Dakar est décédé le 18 mai dans une clinique du sud de la France, où il avait été transporté en urgence une douzaine de jours auparavant. Ceux qui croient aux valeurs humaines et en Dieu, musulmans, catholiques, protestants, qu’ils soient du Sénégal ou d’ailleurs, pleurent la disparition d’un homme de bien. Homme de dialogue, fin diplomate, il comptait de nombreux amis de par le monde, dont le plus célèbre est certainement le pape Jean-Paul II, avec qui il a travaillé pendant neuf ans au sein d’une même commission romaine. Par deux fois, il avait visité le diocèse polonais de Karol Wojtyla et, après l’élection de celui-ci au trône de saint Pierre, l’a même accompagné lors de ses premiers voyages.

Douzième enfant d’une fratrie de quatorze filles et garçons, Hyacinthe Thiandoum est né en 1921 à Popenguine, au bord de la mer, à 70 km au sud de Dakar. Sa famille est catholique, mais plusieurs fils de l’un de ses frères, lui-même converti à l’islam, sont devenus imams. Une particularité qui explique sans doute l’aisance de ses relations avec les musulmans, qui constituent plus de 90 % de la population sénégalaise. Entré au séminaire en 1935, il est ordonné prêtre, à l’âge de 28 ans, par Mgr Marcel Lefebvre, le prélat qui s’illustrera plus tard en créant un mouvement schismatique intégriste et finira excommunié malgré… la médiation de Thiandoum lui-même, archevêque de Dakar depuis février 1962. Fait cardinal par le pape Paul VI une dizaine d’années plus tard, il restera en poste après l’âge légal de la retraite, fixé à 75 ans. Jean-Paul II n’acceptera sa démission que le 16 juin 2000. Il a alors 79 ans. Hélas ! quelques mois plus tard, une grave attaque cérébrale provoque une paralysie faciale, lui faisant perdre presque l’usage de la parole. Il faudra tout l’art des médecins italiens pour le tirer d’affaire.
J’ai rencontré Mgr Thiandoum pour la première fois en 1998, à l’occasion d’une enquête sur l’ancien président sénégalais Léopold Sédar Senghor. Je recherchais quelques souvenirs ou anecdotes que l’archevêque aurait pu conserver sur son ancien fidèle. Quelques semaines plus tard, de passage à Paris, il m’a invitée à déjeuner dans le couvent de Neuilly où il logeait. Nous avons longuement discuté et sympathisé. À partir de ce jour, chaque fois qu’il s’arrêtait sur le chemin de Rome, nous partagions le frugal déjeuner des soeurs en discutant avec animation de la vie politique sénégalaise et africaine en général. Il adorait cela. Il me faisait aussi raconter mes voyages lointains, l’Inde, la Chine, la Russie. Lorsque je passais à Dakar, je ne manquais jamais d’aller le voir et, une fois par an, je lui faisais porter les chocolats dont il raffolait. Car Mgr Thiandoum était un peu gourmand.
Il m’a beaucoup appris, sur la politique, mais aussi sur les hommes. Il avait de l’intuition et un esprit pénétrant. Il ne s’en laissait pas conter et traversait avec courtoisie et détermination les barrières du mensonge et des politesses de façade pour donner son avis, sereinement et sans artifice, à ses interlocuteurs. Il ne se laissait pas intimider, pas même par le président Léopold Sédar Senghor, chrétien comme lui, à qui il tenait parfois tête jusqu’à le rendre furieux. De Moustapha Niasse à Djibo Kâ en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, tous ceux qui se sont assis sur les canapés de la petite villa des Badamiers, à Fann, face au modeste jardin en ont certainement gardé un souvenir impérissable.

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C’est là qu’il m’a reçue, début 1999, pour une longue interview parue quelque temps plus tard dans Jeune Afrique. Contrairement à ses pairs musulmans qui pratiquaient le ndiguel (« consigne de vote »), Mgr Thiandoum se gardait soigneusement d’intervenir dans la vie politique de son pays. Nous étions à l’avant-veille de l’élection présidentielle de 2000, et, pourtant, il a accepté que ses opinions soient publiées. Comme il n’avait, en tout et pour tout, accordé qu’une seule interview à la presse, à l’hebdomadaire français Paris Match, dans les années 1970, l’article fit grand bruit à Dakar. Ça l’avait fait rire, de ce petit rire étouffé qui accompagnait souvent ses paroles et que je garde, à jamais, dans ma mémoire.

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