Le prix de la peur (suite)

Publié le 24 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

Dans un marché devenu irrationnel, tout est possible : après avoir frôlé 42 dollars, le 17 mai, à New York, le prix du baril pourrait tout aussi bien augmenter à 50 dollars que chuter à 30 dollars dans les jours ou semaines à venir. Tous les analystes estiment que la flambée des prix ne s’explique pas par une pénurie, mais par des craintes liées à la guerre américaine contre le terrorisme. Le président du Venezuela, Hugo Chávez, membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), l’a affirmé le 19 mai : « C’est une erreur d’augmenter la production pour faire plaisir aux gros consommateurs [les États-Unis accaparent 25 % de l’offre mondiale]. Mais nous sommes prêts à discuter avec eux des vraies raisons de la hausse des prix. »

La « prime de guerre » (War Premium) est évaluée entre 6 dollars et 10 dollars. Elle couvre les risques de rupture des livraisons en provenance du Moyen-Orient. Une bombe en Arabie saoudite ou en Turquie, un attentat en Irak contre des installations pétrolières font grimper le prix de référence à New York de 50 cents en une seconde. À cela s’ajoute l’effet boule de neige de la spéculation, financée, rappelons-le, par les Hedge Funds, eux-mêmes alimentés par les caisses de retraite américaines.
Le marché du pétrole, qui ne ressemble plus en rien à celui d’avant 1983, ni d’avant le 11 septembre 2001, est composé aujourd’hui de trois principaux segments : le plus médiatisé est celui de la Bourse de New York (Nymex) le pétrole se vend et s’achète, seconde après seconde, de manière électronique.
Ces contrats virtuels portent sur des options de transactions à terme (Oil Futures). Des spéculateurs vendent, par exemple, des cargaisons fictives de pétrole livrables en juin, juillet ou décembre de cette année ou de l’année prochaine, à un prix purement spéculatif. Sans attendre l’échéance, ces contrats peuvent être réglés – « liquidés » – moyennant une perte ou un gain. Mais quand ce marché électronique double de volume, cela influe sur les autres segments qui sont, eux, réels : l’un sert à la consommation immédiate (raffinage), l’autre à la constitution de stocks « stratégiques ».
À la mi-mai, la valeur cumulée des Oil Futures sur le Nymex a atteint 26 milliards de dollars, contre 12 milliards en mai 2003. À 40 dollars en moyenne le baril, cela fait 650 millions de barils « fictifs », l’équivalent de trente jours de production Opep. Et ce marché semble pour le moment insatiable, pour des raisons liées à la guerre, mais aussi à la présidentielle américaine. Washington veut coûte que coûte obliger l’Opep à ouvrir le robinet.
L’Arabie saoudite, soutenue par d’autres émirats du Golfe, a accepté de faire un geste : son ministre du Pétrole a annoncé, le 17 mai, que son pays est à lui seul capable de produire « rapidement » 10 millions de barils par jour, au lieu de 8 millions.
Une victoire « diplomatique » pour le président Bush qui a confirmé, le 19 mai, son refus d’utiliser le « stock fédéral » pour réduire la tension inflationniste américaine. Ce stock a augmenté de 40 %, sur ses ordres, depuis les attentats de 2001, passant de 500 millions à 700 millions de barils.

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La demande de la Chine, qui augmente certes en flèche, y compris pour se doter d’une réserve de sécurité, est marginale par rapport à l’accroissement de la demande des États-Unis, où la mode est désormais aux voitures « gourmandes » en « gasoline » : les fameuses SUV (4×4 sport) consomment jusqu’à 22 litres aux 100 km. Une précision : le prix de l’essence est trois fois moins élevé aux États-Unis qu’en Europe. Et, à prix constants, le baril coûte aujourd’hui deux fois moins qu’en 1983.

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