Romain Battajon : « On peut harmoniser le droit économique dans la zone Comesa »
L’avocat Romain Battajon, directeur du Réseau panafricain ABLE, répond aux questions de « Jeune Afrique » concernant son projet d’harmonisation progressive de plusieurs normes et réglementations juridiques des États membres du Comesa, inspiré du modèle Ohada.
Avec son confrère djiboutien Mohamed Abayazid, l’avocat d’affaires français Romain Battajon, qui sera définitivement basé à Kinshasa à partir de septembre, défend la mise en place d’un droit des affaires harmonisé qu’il souhaite présenter aux institutions du marché commun d’Afrique australe et orientale (Comesa).
Le projet concocté par ces deux avocats avec l’appui de plusieurs avocats et professeurs de droit, membres du Réseau ABLE dans divers pays du Comesa, s’inspire de l’expérience Ohada, l’espace de droit uniforme, instauré en 1993 par le traité de Port-Louis (Maurice), qui a permis l’harmonisation d’une grande partie du droit commercial entre les quatorze pays de la Zone Franc, la Guinée, la RD Congo et les Comores.
Jeune Afrique : pouvez-vous expliquer votre projet en quelques lignes ?
Romain Battajon : Le projet du Réseau ABLE et son think tank Maat est, dans un premier temps, de convaincre les institutions du Comesa, les ministres en charge dans les 19 pays appartenant à cet espace communautaire et toutes les autres parties prenantes des apports économiques et sociaux que pourrait représenter une harmonisation progressive et ciblée d’un certain nombre de normes et réglementations juridiques des États membres. À la fois dans le domaine des affaires et dans certains secteurs comme l’industrie extractive, les télécommunications, les partenariats public-privé pour les projets d’infrastructures, les activités financières…
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Dans un second temps, le projet nous amènera à préparer et proposer à ces institutions régionales et nationales des textes harmonisés.
Nous espérons ensuite travailler avec les services concernés pour améliorer ces propositions de textes afin qu’ils soient jugés aptes à être adoptés par les autorités décisionnaires du Comesa.
Comment concilier les différents systèmes juridiques du Comesa ?
C’est l’obstacle intellectuel principal qui va se dresser devant nous, mais il n’est pas insurmontable. Dans le Comesa, en effet, on trouve des systèmes de Common Law, des systèmes de Droit civil, des pays qui empruntent aux deux systèmes (comme l’Île Maurice ou le Rwanda par exemple), ou encore des pays où le droit islamique doit aussi être pris en compte (dans la finance ou l’assurance notamment).
Mais l’objectif ne nous paraît pas hors de portée, et, lorsque le travail préparatoire ci-dessus évoqué aura été fait et analysé, nous sommes convaincus que certains domaines, dont ceux que j’ai mentionnés au début de cette interview, pourront faire l’objet de textes harmonisés.
Nous ne prétendons pas à une unification du droit applicable d’office dans les États membres, mais à une harmonisation des lois et règlements
Précisons bien ici que nous ne prétendons pas, comme dans le droit Ohada, à une unification du droit applicable d’office dans les États membres, mais bien à une harmonisation des lois et règlements.
Comme le dit un proverbe chinois, « tout voyage commence par un premier pas », donc ce n’est pas parce que ce voyage s’annonce long et houleux qu’il faut renoncer avant d’avoir essayé !
Quelles actions envisagez-vous pour le faire aboutir ?
Nos actions se résumeront en deux mots : travail et communication !
Ce projet nécessitera en effet un gros travail de « benchmarking » entre les textes existants dans les divers pays du Comesa, de comparaison entre les méthodes d’harmonisation utilisées par d’autres espaces communautaires et il conviendra aussi de recueillir, sur le terrain, les informations pratiques et doléances des opérateurs économiques et de la société civile, ainsi que les opinions d’une sélection de juristes de chaque pays. Ensuite, un travail collectif nous permettra de rédiger des projets de textes harmonisés.
Avez-vous déjà un calendrier ?
Un premier paquet de textes harmonisés devrait pouvoir être proposé d’ici à trois ans. Puis progressivement, cette production textuelle sera étendue aux autres secteurs qui auront été approuvés par le Comesa.
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