« Environnement et pauvreté sont liés »

Chief Emeka Anyaoku, président du WWF International, expose son idée du développement.

Publié le 24 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

Le Nigérian Chief Emeka Anyaoku, président du World Wildlife Fund (WWF International, l’organisation mondiale de protection de la nature), était à Paris les 13 et 14 mai, pour rendre visite au président français Jacques Chirac et au secrétaire général de la Francophonie Abdou Diouf. Pour la première fois, l’organisation non gouvernementale dédiée à la protection des espèces animales et végétales s’est engagée dans des programmes avec les autorités françaises en Afrique. Traditionnellement plus influent dans le monde anglo-saxon, le WWF souhaite même participer au sommet de la Francophonie qui aura pour thème « Espaces de solidarité pour un développement durable ».

Jeune Afrique/l’intelligent : Quel est aujourd’hui le plus grave problème pour l’environnement mondial ?
Chief Emeka Anyaoku : Entre 1961 et 1999, l’impact de l’activité humaine sur l’écologie a empiré. Environ 20 % des capacités de la terre à se renouveler ont été gâchées par l’homme. La planète fait face à une crise grave, dont nous devons tous nous préoccuper. Mais il faut le faire en tenant compte du développement humain, et pas seulement de l’écologie. Il faut donc améliorer la qualité de vie des plus pauvres. Si on ne le fait pas, on ne pourra pas les inciter à se soucier de leur environnement. C’est l’aspect le plus urgent. Mais la vitesse à laquelle les écosystèmes se dégradent montre qu’il ne faut pas attendre d’avoir résolu les problèmes de pauvreté pour s’intéresser à l’environnement. Il faut faire les deux à la fois.
J.A.I. : Que pensez-vous de l’attitude de Jacques Chirac envers la protection de l’environnement ?
C.E.A. : Jacques Chirac a fait beaucoup pour développer la conscience de l’opinion mondiale sur l’écologie. Son discours au Sommet du développement durable à Johannesburg, en 2002, a marqué les esprits. Pourtant, je voudrais qu’il promeuve encore plus la protection de l’environnement et du développement humain. À l’international, les positions du président français sur l’Irak ont renforcé l’autorité morale de la France. Il pourrait utiliser cette position pour influencer non seulement les pays développés – via le Fonds de développement européen ou en incitant la Russie à ratifier le protocole de Kyoto -, mais aussi les pays du Sud.
J.A.I. : N’êtes-vous pas déçu du peu de concrétisation après son discours à Johannesburg ?
C.E.A. : Dire que rien n’a été fait serait faux, parce que l’Agence française de développement (AFD) a voté des budgets, notamment pour contribuer au développement du parc national du Quirimbas au Mozambique. Jacques Chirac oeuvre pour que la protection de l’environnement soit inscrite dans la Constitution française. Petit à petit, il augmente le pourcentage de l’aide publique au développement. C’est positif. Mais on pourrait aller plus loin, en établissant par exemple un fonds de pérennité pour la biodiversité.
J.A.I. : En Afrique, les gouvernements ont-ils les moyens de promouvoir la protection de l’environnement ?
C.E.A. : Le monde développé doit coopérer avec les gouvernements africains pour avoir un traitement équilibré du développement et de l’environnement. Si vous le laissez aux seuls Africains, vous n’aurez pas de résultats, parce que leur priorité est d’alléger la pauvreté de leur population. Mais le Nord doit leur apporter ressources et expertise.
J.A.I. : En RD Congo, la guerre a eu des conséquences terribles sur les espèces animales. Que recommandez-vous ?
C.E.A. : Les conflits ont eu des implications sérieuses en Afrique, pas seulement en RDC. En Angola, la population des éléphants a été sévèrement atteinte. Nous devons résoudre ces conflits. Et pour cela inciter les États à collaborer entre eux. Après la guerre, les éléphants avaient disparu d’Angola, par exemple. Un des projets réalisés en Namibie par le WWF a par exemple consisté à créer un corridor pour ramener des éléphants.
J.A.I. : Travaillez-vous avec des entreprises ?
C.E.A. : Oui, nous sommes très prudents, mais nous avons besoin des entreprises. Nous travaillons avec Lafarge, Canon, Nokia… Il faut faire évoluer les sociétés dont les activités ou les politiques sont antienvironnementales. Lafarge, par exemple, a abandonné un projet de carrière en Écosse, grâce aux lobbying conjoints du WWF, des Amis de la Terre et de Greenpeace.
J.A.I. : Depuis 2002, date de votre arrivée à la tête du WWF, quel est le plus beau progrès que vous avez constaté ?
C.E.A. : Le monde entier a désormais conscience que l’environnement et le développement sont complètement liés. Aujourd’hui, le WWF est devenu une organisation qui agit en faveur du développement durable. Nous ne sommes plus vus comme une organisation écologiste qui s’intéresse seulement à la conservation des espèces animales.

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