Mali : des soldats de l’armée accusés d’avoir assassiné trois personnes dans le Nord

Des soldats de l’armée malienne sont accusés par plusieurs témoins d’avoir tué et brûlé trois personnes entre Gossi et Gao, dans le nord du pays. Un porte-parole de l’armée affirme que des investigations sont en cours afin d’identifier les responsables.

Des soldats maliens près de l’hôtel Radisson Blu de Bamako, le 20 novembre 2015 (photo d’illustration). © Jerome Delay/AP/SIPA

Des soldats maliens près de l’hôtel Radisson Blu de Bamako, le 20 novembre 2015 (photo d’illustration). © Jerome Delay/AP/SIPA

Publié le 26 avril 2019 Lecture : 3 minutes.

Le trafic routier entre Gao et Mopti était complètement interrompu ce 25 avril. Des manifestants, y compris des hommes armés appartenant au Groupe d’autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia, réputé proche du pouvoir central de Bamako), occupaient la route nationale à Tin Essamed. Au cœur de leur protestation : l’assassinat présumé de trois personnes, dont les manifestants réclament l’arrestation des auteurs.

Selon le récit délivré par plusieurs témoins contactés par Jeune Afrique, mercredi, quatre personnes, des Touaregs, s’étaient arrêtées au bord de la route principale entre Gossi et Gao, dans le nord du Mali, pour réparer un pneu de leur moto. Des hommes en tenue militaire escortant des bus de voyageurs se seraient alors arrêtés à leur niveau. Pris de peur, l’un des quatre hommes aurait tenté de s’enfuir. Les trois autres, dont l’un serait lui-même un militaire de l’armée malienne, auraient été arrêtés puis ligotés par les soldats, avant d’être jetés à l’arrière de leur pick-up.

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Des membres de l’armée responsables ?

Le convoi aurait continué sa route  vers Gao, avant de s’arrêter à Intahaka, dans un poste de l’armée. « Les soldats de l’armée malienne ont fait descendre les trois personnes et les ont battues à mort », affirme à Jeune Afrique un villageois, sous couvert d’anonymat, qui dit avoir assisté à la scène. « Ils ont ensuite demandé aux voyageurs d’apporter du bois et des branches sèches pour les mettre sur le corps des victimes. Les soldats ont mis de l’essence sur les corps, et y ont mis le feu ». Plusieurs autres témoins, notamment des villageois et des passagers présents dans les bus, ont affirmé à Jeune Afrique avoir assisté à cette scène.

Dans un communiqué, le Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia) a dénoncé ce qu’il qualifie d’« exécution » et « l’incinération publique des corps d’un adjudant-chef de la Garde nationale et de deux jeunes civils » membres de leur groupe, « sans aucune raison valable [donnée] par l’escorte des FAMa », les Forces armées maliennes.

Leur mort a provoqué la colère de membres de la communauté touarègue Imghad. « Ce qui fait mal, c’est que ce sont des jeunes membres du Gatia, des républicains qui défendent le pays, qui sont ainsi victimes des soldats de l’armée malienne », déplore Mohamed Ag Mahmoud, cadre de la communauté touareg à Bamako et directeur de l’Agence de développement du Nord.

De son côté, le général de l’armée malienne a demandé « aux familles des victimes durement éprouvées de s’armer de patience ». « Nous allons nous battre pour que justice soit rendue », a promis le général El Hadj Ag Gamou, également fondateur de la milice Gatia. « J’ai demandé aux chefs militaires d’arrêter les soldats concernés et de les mettre à la disposition de la justice ».

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Si l’armée malienne n’a pas encore rendu publique les conclusions de son enquête, les investigations menées par la gendarmerie de Gao étaient toujours en cours, vendredi, afin d’identifier les coupables et leurs responsabilités, a confirmé à Jeune Afrique le colonel Diarran Koné, porte-parole de l’armée malienne. « Pour le moment, nous ne sommes pas certains que ce sont nos soldats qui ont brûlé ces gens », a tenu à préciser le colonel Diarran Koné.

« Que justice soit rendue »

Ce n’est pas la première fois que l’armée malienne est citée dans une affaire de violation présumée des droits humains. En février 2018, Human Rights Watch dénonçait l’exécution de sept civils peuls dans la commune de Sokolo, près de la forêt de Wagadou, connue pour être un fief jihadiste. Moins de deux mois plus tard, en avril, 14 personnes avaient été tuées dans un camp de l’armée malienne à Dioura, dans le Centre. Face aux inquiétudes exprimées alors et aux doutes sur les circonstances des événements, l’armée avait alors affirmé qu’il s’agissait d’une « tentative d’évasion ». En mai, au moins 12 personnes avaient été tuées à Boulikessi par un détachement de l’armée malienne sous le commandement du G5 Sahel.

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Malgré les appels à la justice émanant d’associations de défense des droits humains, aucun soldat n’a, pour le moment, été entendu par un juge.

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