Quand la terre se meurt

En 2050, il faudra nourrir 1,8 milliard d’hommes sur le continent. Mais les sols s’épuisent. Comment faire pour produire plus et mieux ?

Publié le 25 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Déforestation, menace acridienne, grippe aviaire, climat difficile L’Afrique ne manque pas de fléaux qui nuisent à son agriculture. Un mal plus pernicieux ravage pourtant le continent sans qu’il déclenche de grands élans de solidarité : les sols africains sont épuisés et de moins en moins capables de produire les ressources alimentaires dont les Africains ont besoin.
Tel est le constat dressé dans la dernière étude du Centre international pour la fertilité du sol et le développement agricole (IFDC, basé en Alabama, aux États-Unis). Les chercheurs Julio Heano et Carlos Baanante tirent la sonnette d’alarme : les terres du continent se dégradent un peu plus chaque année, à un rythme particulièrement soutenu en Afrique de l’Ouest et de l’Est. Seule l’Afrique du Nord est épargnée par le phénomène. En moyenne, les sols perdent annuellement plus de 30 kg par hectare de nutriments indispensables à la bonne croissance des espèces végétales (azote, phosphore et potassium). Et jusqu’à deux fois plus en Guinée, en RD Congo, en Angola, ou au Rwanda. Outre l’érosion naturelle, l’augmentation des surfaces cultivées y est pour beaucoup.
Les planteurs de coton grignotent sur les savanes pour accroître leurs revenus. Les producteurs de cacao et de café défrichent de nouvelles zones forestières pour occuper d’autres terrains que leurs plantations, qui perdent en productivité. Surtout, l’essor démographique oblige les paysans à négliger les systèmes de rotation entre productions vivrières et cultures de régénération (comme les légumineux) et à écourter les périodes de jachère, essentielles au repos des sols. De mauvaises pratiques qui pourraient être atténuées par un recours massif aux fertilisants chimiques. « Mais seulement 9 kg d’engrais par hectare sont utilisés en Afrique, contre 51 kg pour la même surface en Asie », déplore Jacques Diouf, le directeur général de l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
La conjonction de tous ces facteurs entraîne une baisse des rendements et grève la compétitivité de l’agriculture. Le continent accroît donc sa dépendance aux importations alimentaires. « L’Afrique achètera environ 60 millions de tonnes de céréales en 2020 sur le marché international, contre 43 millions en 2003. La facture passera de 3,8 milliards de dollars à 14 milliards de dollars », projette l’étude de l’IFDC.
La situation n’est pourtant pas irréversible : les rendements céréaliers ont bien été multipliés par trois pendant la « révolution verte » de ces quarante dernières années en Asie. Pour y parvenir, les auteurs de l’étude proposent une réforme profonde des politiques agricoles. À commencer par une modernisation de la propriété foncière. Ils insistent également sur la nécessité d’améliorer l’accès aux engrais et de réduire toute la chaîne de surcoûts qui fait que le producteur de café ivoirien paie ses engrais jusqu’à quatre fois plus chers que son homologue colombien. De nouvelles structures devraient assurer le relais des entreprises agro-industrielles récemment privatisées pour encadrer les producteurs. Enfin, les auteurs demandent l’instauration de prix agricoles stables, l’État devant jouer un rôle de tampon pour pallier les variations des cours sur les marchés internationaux.
La modernisation de l’agriculture africaine mérite surtout davantage de considération. Un sommet de l’Union africaine consacré aux engrais est prévu en juin au Nigeria. Le niveau de présence des dirigeants du continent sera un premier indicateur de leur réelle volonté d’enrayer le phénomène de la dégradation de la terre nourricière.

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