1er mai en Algérie : « Les travailleurs veulent se réapproprier l’appareil syndical »

Pour la Fête du travail, la Confédération des syndicats autonomes (CSA) a appelé à une grande marche dans la capitale. Une occasion aussi pour les dissidents de la centrale UGTA de continuer à réclamer le départ de leur secrétaire général Abdelmajid Sidi Saïd, et de réaffirmer leur adhésion au mouvement populaire qui secoue l’Algérie depuis deux mois et demi.

Un manifestant à Bordj Bou Arreridj (200 km au sud-est d’Alger), vendredi 26 avril 2019. © Toufik Doudou/AP/SIPA

Un manifestant à Bordj Bou Arreridj (200 km au sud-est d’Alger), vendredi 26 avril 2019. © Toufik Doudou/AP/SIPA

Arianna Poletti

Publié le 30 avril 2019 Lecture : 3 minutes.

À l’occasion de la Fête du travail, deux jours avant le onzième vendredi de manifestations, une grande marche des travailleurs algériens est annoncée dans la capitale. Organisée par la Confédération des syndicats autonomes (CSA), qui regroupe treize syndicats de différents secteurs, la manifestation a pour but de « réclamer le changement du pouvoir ».

Il est nécessaire « d’accélérer l’instauration de la période de transition avec des visages crédibles », réclame l’organisation dans un communiqué. En grève depuis plusieurs semaines, les ouvriers de la Sonacom, d’Algérie Télécom, d’ArcelorMittal mais aussi d’autres usines et entreprises du pays, tout comme les employés du secteur public, seront présents.

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Avec les travailleurs, de nombreux syndicats ont répondu à l’appel de la Confédération. Ce 28 avril, le Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP) a annoncé rejoindre la marche, affirmant son « soutien actif » au mouvement de contestation. Si les participants refusent tous « de traiter avec les représentants de l’actuel pouvoir », ceux affiliés à l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) – principale centrale syndicale d’Algérie – demandent aussi la démission de leur Secrétaire général (SG), Abdelmadjid Sidi Saïd.

« Les travailleurs veulent récupérer un appareil syndical qui, jusqu’à présent, a toujours réprimé toute voix réclamant son indépendance tout en scellant des accords avec le pouvoir. L’UGTA n’est que le FLN des travailleurs », estime Hacen Ouali, journaliste algérien spécialiste du milieu syndical.

Abdelmadjid Sidi Saïd, ancien patron de l'UGTA, le 16 septembre 2018. © Capture écran/YouTube/Algérie Bladna

Abdelmadjid Sidi Saïd, ancien patron de l'UGTA, le 16 septembre 2018. © Capture écran/YouTube/Algérie Bladna

« Sidi Saïd a toujours été le porte-parole du gouvernement »

« Sidi Saïd dégage », « Sidi Saïd fait partie de la mafia », « Libérez l’UGTA ». Depuis le 22 février, le nom du patron de l’organisation, considéré comme une figure appartenant au régime, apparaît sur les pancartes des manifestants. « Tout comme Bouteflika, il refuse de partir malgré la pression populaire et des sections syndicales. Il reste attaché à son poste qui lui garantit une certaine immunité », estime Hacen Ouali, rappelant que le SG a récemment démenti les rumeurs qui annonçaient son départ. En contrepartie, Sidi Saïd a accepté de céder son poste lors du prochain congrès, prévu en janvier 2020 mais avancé au 20 juin.

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Rassemblés régulièrement depuis début mars devant le siège de la centrale, des centaines de syndicalistes ont exigé la démission de l’homme à la tête de l’ex-syndicat unique depuis vingt-deux ans. Ainsi, de plus en plus de sections locales ont décidé de retirer leur confiance au siège central de l’UGTA et les défections se multiplient.

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« Sidi Saïd a toujours été le porte-parole du gouvernement, le bras social à travers lequel le pouvoir faisait passer ses réformes. Depuis la mise en place de politiques économiques libérales, l’UGTA n’a jamais su accompagner les choix d’austérité du gouvernement », tacle Hacen Ouali. « Il ne suffit pas de changer les têtes, il faut reprendre les fondamentaux : limiter les mandats du SG et permettre des alternances, pour que les travailleurs et non pas les retraités prennent leur destin en main », nuance le secrétaire général de l’UGTA de la wilaya d’Alger, Amar Takjout.

« Ne pas se mettre en porte-à-faux avec l’histoire »

« Ne pouvant rester en marge des aspirations populaires profondes qui s’expriment, nous joignons nos voix pour dire oui à un changement du système. […] L’UGTA ne doit pas se mettre en porte-à-faux avec l’histoire mais exprimer l’adhésion des travailleurs aux aspirations de la nation », a annoncé la section de la zone industrielle de Rouiba/Reghain dans un communiqué, réclamant « une réunion d’urgence de la commission exécutive nationale ».

Les scissions ne se limitent toutefois pas à Alger. En mars, 20 syndicats de la wilaya de Tizi Ouzou avaient annoncé avoir pris position contre le cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, et retiré leur confiance au SG de la centrale, en demandant son « départ immédiat et sans conditions », avaient-ils fait savoir.

Au total, cinq sections ont rejoint la contestation : celles de Saïda, Tlemcen, Tizi Ouzou, Béjaïa et la Fédération nationale des travailleurs de la mécanique, métallurgie, électrique et électronique. Alors que le mouvement de contestation au sein de l’UGTA prend de l’ampleur, les syndicats autonomes essaient de se faire une place dans ce contexte de mobilisation de la société civile. Selon Hacen Ouali, « l’UGTA représente le passé et ne peut pas jouer un rôle dans cette période de renaissance. On assiste donc à une montée des syndicats autonomes, mais la recomposition syndicale dépend surtout d’un changement politique », conclut-il.

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