Maroc : ouverture du procès des auteurs présumés du double meurtre terroriste d’Imlil

Le procès des assassins présumés de deux jeunes touristes scandinaves, décapitées mi-décembre dans les montagnes de l’Atlas au nom du groupe État islamique (EI), s’ouvre ce jeudi à Salé.

Les auteurs du double meurtre d’Imlil (Maroc), dans leur vidéo d’allégeance à l’organisation État islamique, avant de passer à l’acte en décembre 2018. © DR

Les auteurs du double meurtre d’Imlil (Maroc), dans leur vidéo d’allégeance à l’organisation État islamique, avant de passer à l’acte en décembre 2018. © DR

Publié le 2 mai 2019 Lecture : 4 minutes.

Louisa Vesterager Jespersen, une étudiante danoise de 24 ans, et son amie Maren Ueland, une Norvégienne de 28 ans, ont été tuées, égorgées et décapitées dans la nuit du 16 au 17 décembre, sur un site isolé du Haut-Atlas où elles campaient. Un total de 24 accusés, dont les trois meurtriers présumés, doivent comparaître à partir de jeudi matin devant la chambre criminelle de la Cour d’appel de Salé, pour « apologie du terrorisme », « atteinte à la vie de personnes avec préméditation » ou « constitution de bande terroriste ».

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Me Saad Sahli, l’avocat de l’un des suspects secondaires, un converti hispano-suisse nommé Kevin Zoller-Guervos, veut demander un report de l’audience « pour mieux préparer la défense car il n’a pas encore lu le dossier », a-t-il indiqué. Ceux qui sont impliqués directement dans le crime risquent théoriquement la peine de mort. Les familles et avocats des victimes ne seront pas présents au procès et ne se sont pas constitués partie civile.

Éprises de nature, les deux jeunes femmes partageaient le même appartement, suivaient les mêmes études en Norvège et voyageaient ensemble au Maroc pour leurs vacances. Leur périple s’est arrêté au pied des cimes enneigées du Mont Toubkal, le plus haut sommet d’Afrique du Nord, dans le Haut-Atlas, à 80 kilomètres de la capitale touristique Marrakech.

« Pas de contact avec Daesh »

Après la découverte des corps, les autorités marocaines s’étaient d’abord montrées prudentes, évoquant laconiquement un « acte criminel » et des « traces de violence à l’arme blanche » sur le cou de deux touristes. Mais la donne avait changé après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo montrant la décapitation d’une des victimes, filmée par un des tueurs avec un téléphone portable. Dans cette séquence d’une extrême violence, on entend un des assassins parler d’ « ennemis d’Allah » et de « revanche » pour des « frères » en Syrie.

Une autre vidéo publiée dans la foulée montrait les trois meurtriers présumés et un de leurs compagnons prêtant allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’EI, devant une bannière de cette organisation.

Issus de milieux modestes, avec un niveau d’études et d’instruction ‘très bas’, les suspects vivaient de petits boulots

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Très vite après la découverte des corps, un premier suspect avait été arrêté dans la banlieue de Marrakech. Trois autres avaient été interpellés trois jours plus tard alors qu’ils tentaient de quitter la ville en autocar. Âgés de 25 à 33 ans, tous vivaient dans la précarité dans des quartiers déshérités de Marrakech. Issus de milieux modestes, avec un niveau d’études et d’instruction « très bas », ils exerçaient des petits boulots, selon les enquêteurs.

Leurs proches les décrivent comme des adeptes du salafisme, une branche ultraconservatrice de l’islam sunnite. Leur « cellule terroriste » inspirée par l’idéologie de l’EI n’avait pas de « contact » avec des cadres opérationnels en Syrie ou en Irak, selon les enquêteurs. L’EI n’a pour sa part jamais revendiqué leurs actes.

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« Je veux un procès équitable »

Abdessamad Ejjoud, un marchand ambulant de 25 ans proclamé « émir » par ses compagnons, est soupçonné de diriger la cellule. Les 20 autres prévenus jugés à Salé sont poursuivis pour leurs liens avec les tueurs présumés et avec leur idéologie. L’Hispano-Suisse, lui, est soupçonné d’avoir appris aux principaux suspects à utiliser une messagerie cryptée, de « les avoir entraînés au tir » et d’avoir participé à l’embrigadement de recrues, selon les enquêteurs. Devant le juge d’instruction antiterroriste, il a clamé son innocence.

Kevin Zoller-Guervos, 25 ans, se trouvait en Suisse au moment de l’assassinat, selon Me Saskia Distisheim, une avocate suisse dépêchée au Maroc par la famille. « Il y a eu une enquête du ministère public de la Confédération et ils n’ont rien trouvé sur lui », a-t-elle déclaré. « Je veux un procès équitable et des juges qui cherchent la vérité : s’il est innocent, il est innocent », a-t-elle ajouté. La plupart des autres prévenus seront défendus par des avocats commis d’office.

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Épargné jusqu’à l’an dernier par les violences liées à l’EI, le royaume avait toutefois été meurtri par des attaques à Casablanca (33 morts en 2003) et à Marrakech (17 morts en 2011). Le Maroc a depuis musclé son dispositif sécuritaire et son arsenal législatif, tout en renforçant l’encadrement du secteur religieux et la coopération internationale antiterroriste.

Des pétitions réclamant la peine de mort pour les assassins des deux jeunes femmes ont été lancées sur Internet. Des condamnations à la peine capitale sont toujours prononcées au Maroc, mais un moratoire est appliqué de facto depuis 1993 et son abolition est en débat.

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