[Tribune] La Méditerranée est un creuset de notre humanité
Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, donne le 2 mai le coup d’envoi du Forum Culture, médias, et tourisme en Méditerranée. Voici les grandes lignes de son discours.
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Jean-Baptiste Lemoyne
Sénateur de l’Yonne, en France, à partir du 28 septembre 2014, il a été nommé mi-juin 2017 secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères.
Publié le 2 mai 2019 Lecture : 5 minutes.
C’est le quatrième des six forums « des deux rives » lancés à l’initiative de la France dans le cadre du dialogue 5+5 aux côtés de l’Algérie, l’Espagne, l’Italie, la Libye, Malte, le Maroc, la Mauritanie, le Portugal et la Tunisie. Je voudrais remercier ces pays partenaires et les personnalités qu’ils ont désignées dans cette aventure pour former une coalition de bonnes volontés.
Trois forums se sont tenus début avril à Alger sur l’énergie, à la Valette sur l’éducation et la mobilité des jeunes, et, enfin, à Rabat en début de semaine sur l’économie et la compétitivité. Deux autres événements suivront : le forum de Palerme et l’Assemblée des Cent, forum de Tunis avant le sommet à Marseille.
Il ne faut pas que l’image des deux rives soit source de malentendu. La Méditerranée n’est pas un fleuve avec deux bords qu’il faudrait opposer. C’est plutôt un creuset, un creuset de notre Histoire, un creuset de notre avenir, un creuset de notre humanité.
Il ne s’agit pas de réinventer la roue. De nombreuses institutions ont été créées au cours des vingt-cinq dernières années à travers différents formats des relations euro-méditerranéennes : 5+5, processus de Barcelone devenu Union pour la Méditerranée.
« Renouer le fil »
Le président de la République a, de ce point de vue, trouvé les mots justes, en disant qu’il fallait « renouer le fil » ou « retrouver le fil » de notre coopération méditerranéenne. Car cette coopération ressemble à la toile de Pénélope : beaucoup a été fait, mais un grand nombre a, aussi, été défait par les événements et par les soubresauts qui ont traversé la Méditerranée au cours des dernières années.
Des polarisations identitaires trop souvent instrumentalisées
Et pourtant, nous y revenons inlassablement. Pourquoi ? Car nous ne pouvons pas, au fond de nous, accepter que le lieu géographique qui a été un des creusets de notre histoire « une machine à fabriquer de la civilisation », comme l’a si bien dit Paul Valery lorsqu’il méditait dans les années 1930 sur les nuages sombres qui s’accumulaient sur le destin de l’Europe, ne soit pas capable de prendre en main son propre destin. Nous ne pouvons pas accepter qu’il se voit soumis aux coups et aux contrecoups d’événements que les peuples des pays de la Méditerranée n’ont ni voulu, ni choisi, ou de polarisations identitaires trop souvent instrumentalisées.
C’est la raison pour laquelle Emmanuel Macron a voulu donner l’impulsion, non pas d’une nouvelle politique en Méditerranée, mais d’une nouvelle manière de penser ce qui nous fait cité commune en Méditerranée. Or penser différemment, c’est tout d’abord penser « avec » : avec les autres pays que le sien et dans ceux-là, avec d’autres personnes que celles avec qui l’on parle déjà. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité construire ce projet autour des temps fondamentaux que sont les forums, des consultations de la société civile méditerranéenne sur les grands enjeux de la Méditerranée.
Associer les sociétés civiles
Autant, sinon plus que le sommet des deux Rives qui doit se tenir à Marseille le 24 juin prochain, ce qui compte ce sont les femmes et les hommes, individus et collectifs, qui rapprochent ces deux rives à travers des projets concrets. Car l’ambition que partagent les dix pays investis dans cet exercice est de donner une réelle chance aux viviers de talents, d’énergie et d’innovation qu’est la Méditerranée : de leur donner une voix, mais surtout de la faire porter. Il s’agit d’associer à la construction d’un agenda inclusif commun ceux qui vivent la Méditerranée au quotidien, les sociétés civiles dans leur acception la plus large, et ceux qui la font vivre : les associations, entreprises, artistes, femmes et hommes politiques, organisations non gouvernementales, journalistes… Et à chacun de mes déplacements, je mesure avec bonheur combien la liste en est longue.
Cette humilité des gouvernements qui écoutent plutôt que d’imposer, cette intelligence collective de travailler ensemble plutôt que de fragmenter nos initiatives, nous en avons aujourd’hui besoin pour relever les défis qui sont les nôtres.
La transition énergétique, discutée à Alger, la jeunesse et la formation, la mobilité, débattues à Malte, l’économie, la compétitivité, aiguisées à Rabat : libres et riches, ces débats et ateliers ont déjà tissé la toile de projets communs. Et ce, notamment dans les domaines de la formation professionnelle, en soulignant la nécessité d’intégrer à la formation une forte dimension numérique et de prendre en compte les enjeux de mobilité et de dialogue interculturel. Enfin, l’environnement, le développement durable auxquels nous travaillerons à Palerme et, ce à quoi nous nous consacrons à Montpellier dès aujourd’hui : la culture, les médias et le tourisme.
« Protéger nos héritages communs »
Aujourd’hui les initiatives qui seront dessinées concernent ces trois thèmes : la culture, les médias et le tourisme qui sont des facteurs décisifs d’intégration et qui sont les clefs de notre compréhension mutuelle. La culture méditerranéenne que nous partageons depuis des siècles a puisé dans ces trois mots beaucoup de sa substance : les libres échanges d’idées, de traditions, d’informations sont au cœur de ce qui, malgré les difficultés auxquelles notre mer commune est confrontée, continue aujourd’hui de nous relier. Ce sont ces « liens qui libèrent ».
La liberté d’exprimer par la culture, de transmettre par les médias et de faire découvrir par le tourisme est pour nous cruciale. Elle est l’occasion pour les jeunesses des deux rives de protéger nos héritages communs tout en faisant rayonner ce que la Méditerranée peut aujourd’hui offrir au-delà de ses frontières : qu’il s’agisse de spectacle vivant, de cinéma, d’industries culturelles et créatives ou encore de tourisme durable. Pour rendre justice au dynamisme de cette culture, le rôle des médias et leur pleine liberté, la liberté de la presse, sont essentiels et c’est pourquoi nous avons choisi d’associer ces trois thèmes.
Je crois particulièrement à un investissement dans le champ très fertile de coopération qui peut exister en matière de tourisme, dimension qui me tient à cœur. Nous faisons face aux mêmes défis : concilier la hausse de la fréquentation touristique, qui est une source d’activité de plus en plus importante pour nos économies avec la nécessité de préserver l’environnement, de diversifier les destinations, de sortir parfois du « tout balnéaire » qui a montré ses limites pour mettre en valeur nos arrières pays, qu’il s’agisse de leurs terroirs, de leur patrimoine antique ou contemporain, de leurs centres anciens parfois délaissés. C’est typiquement un champ de coopération prometteur pour des projets innovants de part et d’autre de la Méditerranée et où nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.
Pour ce forum consacré à la culture, aux médias et au tourisme, nous nous sommes ainsi laissés guider par cette idée de liberté. Sur la base des thèmes de travail qui seront retenus à l’issue de ces deux journées, des propositions seront choisies par les personnalités qualifiées qui, réunies à Tunis, lors de l’Assemblée des Cent, réaliseront une synthèse des travaux qui aura pour objectif de sélectionner un ensemble d’initiatives concrètes qui seront discutées lors du sommet des deux Rives.
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