Sénégal : vers la fin du procès de Cheikh Béthio Thioune et de ses disciples pour double meurtre

Sept ans après le double homicide de Bara Sow et Ababacar Diagne, le procès du chef religieux Cheikh Béthio Thioune et de 19 de ses disciples, les Thiantacounes, touche à sa fin. Ouvert le 23 avril devant la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Mbour, le procès a été renvoyé au lundi 6 mai, date à laquelle le verdict devrait être rendu.

Le verdict du procès de Cheikh Béthio Thioune et de ses disciples a été reporté au lundi 6 mai 2019. © Capture écran/YouTube/DMTV la télé thiantacone

Le verdict du procès de Cheikh Béthio Thioune et de ses disciples a été reporté au lundi 6 mai 2019. © Capture écran/YouTube/DMTV la télé thiantacone

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Publié le 3 mai 2019 Lecture : 4 minutes.

La journée du 6 mai devrait marquer l’épilogue du procès de Cheikh Béthio Thioune et de ses disciples. Le procureur de la République, Youssoupha Diallo, a requis le 29 avril une peine de travaux forcés à perpétuité à l’encontre du chef mouride, arrêté le 23 avril 2012 après la découverte des cadavres de deux de ses disciples – Bara Sow et Ababacar Diagne à Médinatoul Salam, près Mbour – à 800 mètres de son domicile. Poursuivi pour « complicité de meurtre », « inhumation de cadavres sans autorisation », « détention d’armes » et « association de malfaiteurs », il est jugé par contumace.

Le marabout, âgé de plus de 80 ans, est en effet en France – entre Paris et Bordeaux –, où il reçoit des soins médicaux depuis plus de cinq mois. « Il est en soins intensifs et ne peut revenir au Sénégal pour l’instant, a souligné son avocat, Me Moustapha Dieng. Son état de santé ne lui permet pas de prendre l’avion, sans quoi il serait au Sénégal pour répondre devant la justice de son pays ». Convaincu de la volonté du Cheikh de « se soustraire à l’action de la justice », le procureur de la République a également requis l’émission d’un mandat d’arrêt international.

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Travaux forcés à perpétuité

Présents au prétoire, 19 de ses disciples, poursuivis notamment pour « meurtre avec actes de torture et de barbarie » et « association de malfaiteurs », sont également dans l’attente du verdict. Ils risquent une condamnation aux travaux forcés pour des durées s’étalant de dix ans à la perpétuité. « Tout le monde a été mis dans le même sac, alors que certaines personnes se sont retrouvées sur le site par des circonstances hasardeuses », a dénoncé Me Ibrahima Baïdy Niane, avocat de la défense qui assure que l’affaire est aujourd’hui jugée devant une chambre criminelle « pour être utilisée comme exemple ».

Pour la robe noire, la mort de Bara Sow et Ababacar Diagne est le résultat « d’une bagarre où ont été échangés des coups qui ont entraîné la mort, sans intention de la donner ». Une affaire qui aurait dû, selon lui, être jugée en correctionnelle.

Un affrontement entre disciples

Les faits remontent au 22 avril 2012, jour de la mort de Bara Sow, 37 ans, et d’Ababacar Diagne, 40 ans. Accompagné d’un groupe de personnes, le premier rendait visite au domicile du marabout des Thiantacounes, dont il est alors l’un des disciples. Ayant eu des différends judiciaires avec ce dernier, Bara Sow s’était heurté à un autre groupe de talibés. Après un affrontement entre les deux clans, Bara Sow et Ababacar Diagne avaient été tués, avant d’être illégalement inhumés.

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« L’animosité entre ces deux factions était connue de longue date, mais Cheikh Béthio Thioune est un homme de paix et a tout fait pour empêcher une quelconque répression contre Bara Sow de la part de ses disciples, a assuré Mr Moustapha Dieng. Il l’avait d’ailleurs fait interner à trois reprises dans un établissement de soins psychiatriques ». Une version réfutée par la partie civile, qui réclame 3 milliards de francs CFA (4,6 millions d’euros) de dommages et intérêts. « Avant la bagarre, il y a eu une concertation. On s’est réuni pour voir comment éliminer Bara Sow et Ababacar Diagne, qui sont pourtant des Thiantacounes, mais qui dérangeaient », accuse Me Khassim Touré, avocat de la partie civile.

Le marabout était-il au courant ? A-t-il donné des instructions ? Me Khassim Touré en est convaincu. « Je ne tiens pas à personnaliser le débat. Ce procès ne concerne pas uniquement Cheikh Béthio Thioune. Mais nous avons démontré, preuve à l’appui, que chacun des accusés avait joué sa partition dans ce double meurtre », vilipende-t-il.

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Un marabout controversé

« Dans ce dossier, mon client n’a jamais été mis au parfum de ce qu’il s’est passé. Il a su après coup que deux hommes avaient été tués. Il n’a cherché ni à dissimuler des cadavres ni à protéger qui que ce soit. Le procureur et la partie civile n’ont jamais pu démontrer la preuve de sa participation aux faits », rétorque Me Moustapha Dieng, qui réclame « l’acquittement pur et simple » du chef religieux.

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Et d’ajouter que « le réquisitoire a été fondé sur les sentiments de l’opinion, qui a une perception négative des Thiantacounes, que certains estiment être un mouvement sectaire. Des têtes ont été réclamées et tout a été dit, sauf le droit ». Car le marabout, qui fut très proche du cinquième Khalife des Mourides Cheikh Saliou Mbacké, décédé en 2007, traîne la réputation d’un homme aussi influent que contesté, sa confrérie étant jugée violente. Selon la presse locale, citant des informations provenant de Wikileaks, une note de l’ambassade des États-Unis avait même décrit les Thiantacounes comme « une branche militante armée des Mourides suivie par la jeunesse urbaine pauvre ». À l’incarcération de leur marabout, les disciples de Cheikh Béthio Thioune avaient d’ailleurs violemment protesté dans les rues de Dakar en octobre 2012, causant de nombreux dégâts matériels.

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