Crise anglophone au Cameroun : Human Rights Watch dénonce des cas de torture
Alors que le Conseil de sécurité des Nations unies doit tenir sa première réunion informelle sur la crise anglophone au Cameroun le 13 mai prochain, l’ONG Human Rights Watch publie un rapport sur l’usage de la torture et les détentions au secret dans le cadre de la lutte contre les séparatistes.
Cameroun : les véritables victimes de la crise anglophone
La crise qui sévit dans les régions anglophone du Cameroun depuis plus d’un an, qui voit des violences récurrentes entre sécessionnistes armés et forces gouvernementales, ne faiblit pas. De l’Église aux entreprises en passant par les populations, le point sur les victimes et conséquences de ce conflit qui s’installe dans la durée.
« Les autorités camerounaises ont torturé et détenu au secret des personnes dans un centre de détention à Yaoundé », assure d’entrée l’ONG Human Rights Watch dans son rapport publié le 6 mai, au sein duquel elle assure avoir documenté 26 cas de détention au secret et de disparitions forcées au centre de détention du Secrétariat d’État à la défense (SED), entre janvier 2018 et janvier 2019, dont 14 cas de torture. Parmi les pratiques que l’ONG dénonce figurent des passages à tabac et des « quasi-noyade » destinées, selon le rapport de HRW, à « obtenir des aveux de détenus suspectés d’avoir des liens avec des groupes séparatistes armés ». Des agissements qui nécessitent l’ouverture « d’une enquête indépendante qui examinerait le rôle des agents de tous rangs au centre de détention », selon l’ONG.
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HRW, qui étaye son rapport de témoignages d’anciens détenus – notamment un ex-combattant du groupe séparatiste armé Ambazonia Defense Forces (ADF), qui dit « avoir été frappé avec des machettes, des chaînes, des bâtons et des câbles » -, explique avoir présenté ses conclusions au gouvernement, sans obtenir de réponse de la part des autorités camerounaises. Contacté également par Jeune Afrique, le ministère de la Communication n’était pas joignable pour répondre à nos questions. Mi-avril, Ilaria Allegrozzi, chercheuse pour Human Rights Watch spécialisée sur l’Afrique centrale, s’était par ailleurs vue refuser l’entrée sur le territoire.
Réunion du Conseil de sécurité
Dans son rapport, l’ONG rappelle également que « les séparatistes armés au Cameroun ont aussi commis de graves abus, y compris des attaques contre des écoles, des meurtres, des enlèvements et de l’extorsion », appelant les leaders séparatistes à donner des « ordres clairs pour empêcher les combattants d’attaquer des civils et de maltraiter les personnes qu’ils détiennent ».
Le rapport de l’ONG intervient quelques jours après les propos du ministère de la Défense, qui dénonçait le 1er mai le « silence coupable et complice de Human Rights Watch, Amnesty International et des médias internationaux » sur les exactions commises par les séparatistes en zone anglophone.
Après l’adoption le 18 avril au Parlement européen d’une résolution très critique vis-à-vis des autorités camerounaises, pointant notamment du doigt les « exécutions extrajudiciaires perpétrées par les forces de l’État » en zone anglophone, c’est désormais au tour du Conseil de sécurité des Nations unies de se pencher sur la situation. Le 13 mai, l’organe onusien tiendra une réunion informelle sur la « situation humanitaire », la première depuis le début de la crise fin 2016. En vingt mois, le conflit aurait fait 1 850 morts et forcé plus de 530 000 personnes à fuir leur domicile, d’après les Nations unies. Il ne s’agira pour autant pas d’adopter une résolution sur la crise en cours, d’autant que certains membres, notamment africains, estiment qu’il s’agit d’une affaire interne au pays.
Le rapport de HRW aborde enfin la question des réfugiés au Nigeria, assurant que seize des anciens détenus interrogés ont été arrêtés de l’autre côté de la frontière et ont été renvoyés de force au Cameroun, « malgré leur enregistrement comme réfugiés ou demandeurs d’asile ». Pour rappel, l’ancien leader des sécessionnistes Julius Sisiku Ayuk Tabe, arrêté le 5 janvier dans un hôtel d’Abuja en compagnie de neuf autres cadres de son mouvement avant d’être transféré au SED à Yaoundé, continue de boycotter son procès, exigeant qu’une décision de la cour d’appel relative à leur statut de réfugiés soit rendue, avant que la procédure puisse se poursuivre.
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