Afrique du Sud : la question raciale au cœur des élections

Un quart de siècle après la fin de l’apartheid, la question raciale est encore marqueur politique fort entre les trois principaux partis sud-africains.

L’Afrique du Sud place neuf de ses universités au classement 2019 du Times Higher Education. © Julio Cortez/AP/SIPA/2017.

L’Afrique du Sud place neuf de ses universités au classement 2019 du Times Higher Education. © Julio Cortez/AP/SIPA/2017.

Publié le 7 mai 2019 Lecture : 3 minutes.

Un mur peint aux couyleurs de l’ANC, en Afrique du Sud, à la veille des élections générales du 8 mai 2019. © Ben Curtis/AP/SIPA
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Élections en Afrique du Sud : l’ANC, un favori controversé en perte de vitesse

26,7 millions sont appelés aux urnes mercredi 8 mai pour les premières élections depuis le départ de Jacob Zuma et l’arrivée au pouvoir de Cyril Ramaphosa en février 2018. Le Congrès national africain, au pouvoir depuis 25 ans, se présente en favori logique pour ce scrutin qui devrait consacrer la réélection de Cyril Ramaphosa. Mais, minée par d’importantes divisions internes héritées de l’ère Zuma, critiquée pour son bilan économique, l’ANC est confrontée au mécontentement d’une partie de l’électorat et à la montée des Combattants pour la liberté économique de Julius Malema et l’Alliance Démocratique.

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« La notion de réconciliation annoncée à la fin de l’apartheid est encore questionnée aujourd’hui car elle n’est pas opérationnelle. Les populations qui étaient défavorisées sous le régime d’apartheid, essentiellement noires, le sont encore aujourd’hui », analyse Victor Magnani, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri). À la veille des élections générales de ce mercredi 8 mai, la question raciale « reste très influente dans la manière dont les Sud-Africains votent et a donc impact dans la façon dont les partis mènent leur politique », confirme Gareth van Onselen, chef du service « Politique et Gouvernance » de l’Institut sud-africain des relations entre les races (IRR).

Tour d’horizon des discours, promesses et postures politiques des chefs des trois principaux partis en lice sur cette question toujours cruciale, qui reste profondément clivante dans la société sud-africaine contemporaine.

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• Cyril Ramaphosa (ANC), l’ex-dauphin de Mandela héritier d’une réforme agraire inachevée

Cyril Ramaphosa en campagne à l'Ellis Park Stadium de Johannesburg, le 5 mai 2019. © Ben Curtis/AP/SIPA

Cyril Ramaphosa en campagne à l'Ellis Park Stadium de Johannesburg, le 5 mai 2019. © Ben Curtis/AP/SIPA

« Le Caméléon ». « L’ambitieux ». « L’homme du changement »… Les qualificatifs ne manquent pas pour définir celui que Nelson Mandela avait décrit comme « l’un des hommes politiques les plus doués de sa génération ».

Depuis qu’il a pris la tête de l’ANC, en décembre 2017, puis du pays, deux mois plus tard, l’homme originaire de Soweto, berceau de la lutte contre l’apartheid, s’efforce de rompre avec le passé du parti, tout en redonnant des couleurs au rêve de nation « arc-en-ciel ».

Pour cela, le chef de l’État a engagé il y a quelques mois un projet de réforme agraire pour, dit-il, « réparer l’injustice historique grave » commise à l’égard de la majorité noire pendant la période coloniale et le régime raciste de l’apartheid. Son parti reste toutefois vivement critiqué pour la lenteur de la mise en place de cette réforme.

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« L’ANC a un positionnement idéologique large, capable de rassembler à la fois des populations noires en raison de la légitimité historique du parti, mais également à une classe moyenne et des populations blanches grâce à la mise en oeuvre de politiques favorables aux opérateurs économiques », précise Victor Magnani.

En dépit d’une baisse de popularité et de profondes divisions au sein de l’ANC, les sondages lui prédisent encore une large victoire aux élections générales.

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• Mmusi Maimane (DA), le premier chef noir de l’Alliance démocratique

Le leader de DA, Mmusi Maimane. © Michael Sheehan/AP/SIPA

Le leader de DA, Mmusi Maimane. © Michael Sheehan/AP/SIPA

Surnommé le « Barack Obama de Soweto », Mmusi Maimane est le premier chef noir de l’Alliance démocratique (DA), le principal parti d’opposition du pays.

Malgré une ascension politique fulgurante – son parti a arraché à l’ANC des villes comme Johannesburg et Pretoria lors des élections locales de 2016 – sa formation politique n’a pas su profiter de la baisse de popularité du parti au pouvoir.

Si Mmusi Maimane a transformé le parti en un mouvement multiracial, la DA peine à se défaire de son image de parti de la minorité blanche ayant soutenu le régime ségrégationniste. En mars 2017, les tweets d’Helen Zille, l’ex-cheffe du parti, vantant les aspects « positifs » de la colonisation, avaient suscité la controverse.

« Pour ceux qui considèrent que l’héritage du colonialisme est SEULEMENT négatif, pensez à l’indépendance de la justice, au réseau de transports, à l’eau courante etc », avait-elle écrit.

Les derniers sondages n’accordent au mieux mercredi à la DA qu’une progression marginale sur les 22% recueillis en 2014.

• Julius Malema (EFF), le révolutionnaire radical et provocateur 

Le leader du parti d'opposition EFF Julius Malema, pendant une interview de l'AFP, le 11 septembre 2018 à Johannesbourg en Afrique du Sud. © GIANLUIGI GUERCIA/AFP

Le leader du parti d'opposition EFF Julius Malema, pendant une interview de l'AFP, le 11 septembre 2018 à Johannesbourg en Afrique du Sud. © GIANLUIGI GUERCIA/AFP

Expulsé de l’ANC en 2012, Julius Malema est désormais le héraut de la gauche radicale sud-africaine. Leader de la troisième force du pays, le « commandant en chef » des Combattants pour la liberté économique (EFF) se présente comme le porte-voix des plus démunis – en particulier des Sud-Africains noirs – notamment par le biais de discours enflammés visant la minorité blanche.

Il prône par exemple la « révolution » par l’expropriation sans indemnisation des terres, toujours largement aux mains des Blancs, et la nationalisation des banques et mines du pays.

« C’est un argument de campagne qui met en difficulté l’ANC et qui a permis au parti d’attirer de nombreux électeurs, en particulier les jeunes, particulièrement sensibles à ces questions », souligne Victor Magnani. Un constat que partage Gareth van Onselen qui rappelle que 97% de l’électorat de l’EFF sont des Sud-Africains noirs.

Déjà condamné à deux reprises – en 2010 et 2011 – pour avoir utilisé des discours de haine, Julius Malema a fait polémique en 2018 en déclarant dans une interview à la chaîne d’information internationale turque TRT World : « Nous n’appelons pas au massacre de Blancs. Au moins pour le moment. »

Son mouvement est seulement crédité de 10 à 15% des intentions de vote.

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