Un mariage de raison

Publié le 25 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

L’Union européenne (UE) est aujourd’hui un partenaire économique incontournable de la Tunisie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 70 % des échanges commerciaux du pays s’effectuent avec l’UE, 80 % des échanges de services (notamment le tourisme) aussi. Et 85 % des émigrés tunisiens ont choisi le Vieux Continent comme terre d’accueil (les premières vagues remontent aux années 1960) Comment en est-on arrivé ?
Dès son indépendance en 1956, la Tunisie a fait le choix de la modernité. Elle a rompu avec les archaïsmes religieux (avancées notables dans le domaine des droits des femmes, du droit foncier et de la justice) et a lié d’emblée son destin économique à l’Europe occidentale, au détriment de l’Orient arabe et du bloc de l’Est. Le pays quitte cependant la zone franc en 1958, adhère à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI) et prend contact, dès 1959, avec la Communauté économique européenne (CEE). Ces premiers pourparlers mettront dix ans à se concrétiser en raison du – très sensible – dossier agricole, la CEE redoutant que les produits tunisiens (huile d’olive, vin, etc.) ne concurrencent ceux du Marché commun. Il faut attendre la tournée européenne du président Habib Bourguiba en juillet 1966 (Bruxelles, Bonn, La Haye, Luxembourg) pour que la Commission européenne accepte officiellement d’engager des négociations.
Le premier accord est signé en grande pompe à Tunis le 28 mars 1969 en présence des représentants des six pays de la CEE (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas). « La cérémonie la plus solennelle de l’année », écrit alors Jeune Afrique dans son édition du 14 avril 1969 L’alliance a beau n’être que commerciale (quelques produits triés sur le volet peuvent bénéficier d’un tarif douanier préférentiel et d’un quota), tout le monde s’accorde à dire que la Tunisie (5 millions d’habitants et 1,3 milliard de dollars de PIB) et la CEE (200 millions d’habitants et 400 milliards de dollars de PIB) viennent de célébrer de véritables « fiançailles ». Cette année-là, le commerce extérieur entre les deux partenaires se chiffrait à 300 millions de dollars, soit 55 % des échanges de marchandises de la Tunisie.
Au fil des années, les relations se sont développées dans l’intérêt réciproque des deux « fiancés ». À tel point que l’accord initialement prévu sur cinq ans est reconduit en 1975, sous la houlette du commissaire européen Claude Cheysson. Mieux, il est élargi à la coopération technique, financière et sociale. Pour la première fois, la main-d’uvre tunisienne travaillant dans les pays de la CEE peut bénéficier de prestations familiales et transférer librement ses revenus en Tunisie. Pour Claude Cheysson, cet « accord global » avait, en réalité, pour « objectif final » l’instauration d’une zone de libre-échange (ZLE).
Le 17 juillet 1995, un accord de partenariat, le premier du genre entre l’Union européenne (qui a remplacé la CEE en 1992) et un pays de la rive sud de la Méditerranée, est conclu. Aujourd’hui, la ZLE profite à des milliers d’entreprises des deux côtés de la mer. En quarante ans ou presque, de 1969 à 2007, les échanges entre les deux partenaires ont été multipliés par 200 pour atteindre un volume annuel de l’ordre de 20 milliards d’euros. Les dix millions de Tunisiens ont désormais accès à un marché unique – le plus puissant du monde – couvrant 27 pays peuplés de 500 millions d’habitants et pesant 12 000 milliards d’euros de PIB. En 2006, la Tunisie lui a vendu pour 8 milliards d’euros de marchandises, soit près de 800 euros en moyenne par Tunisien, trois fois plus que la moyenne du Maroc, par exemple. Enfin, et c’est Bruxelles qui l’affirme, la Tunisie est parvenue à profiter des programmes d’aide financière (Meda) en captant 15 % des ressources versées par l’UE à la région méditerranéenne alors qu’elle n’en représente que 5 % de la population.

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