Pour 500 millions de consommateurs de plus

Entré de plain-pied, le 1er janvier, dans la zone de libre-échange avec l’Union européenne (UE), le pays ambitionne de devenir une importante plate-forme de production pour le Vieux Continent. Objectif réaliste ou vu pieux ?

Publié le 25 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

Lorsqu’en 1995 la Tunisie a signé un accord pour l’établissement d’une zone de libre-échange (ZLE) avec l’Union européenne (UE), nombreux étaient ceux qui, même parmi les experts, craignaient que la pression concurrentielle, engendrée par l’exonération totale des droits de douane accordée à l’entrée de produits européens, n’entraîne la disparition d’un tiers des entreprises manufacturières tunisiennes. Et la perte de milliers d’emplois. Or rien de tout cela ne s’est produit. Bien au contraire.
Le démantèlement douanier, qui s’est étalé sur une période de douze ans conformément au calendrier fixé en 1995, est effectif depuis le 1er janvier 2008. L’heure est donc aux premiers bilans. Aujourd’hui, le pays compte davantage d’entreprises qu’en 1996. Au cours des dernières années, le nombre de sociétés créées avec des partenaires européens est passé de 40 à 160 par an. Plus de 2 000 entreprises industrielles à participation européenne (totale ou partielle) opèrent actuellement sur le territoire tunisien. Le secteur secondaire représentait près de 550 000 postes en 2007 (contre 400 000 en 1995). Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) a gagné environ 1 point. Les exportations ont quadruplé et les importations, contrairement aux appréhensions, sont restées à un niveau raisonnable. Les investissements directs étrangers (IDE) en provenance d’Europe dans le domaine industriel ont été multipliés par plus de sept, passant de 50 millions de dinars en 1996 à 400 millions de dinars en 2007

UNE INDUSTRIE MODERNISEE

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Pour autant, l’accord d’association avec l’UE est-il réellement à l’origine de ces résultats ? Les économistes ne sont pas unanimes. Pour certains d’entre eux, plus que l’intégration proprement dite dans la ZLE, ce sont les réformes engagées tout au long du processus qui ont permis au pays d’afficher de telles performances. Sans oublier les différents mécanismes mis en place afin de soutenir les sociétés durant la transition : soutien financier, expertise, programme de modernisation industrielle (PMI), programme de mise à niveau (PMN), etc.
De fait, le principal objectif de l’entrée de la Tunisie dans une zone de libre-échange avec l’UE était de s’intégrer à l’économie mondiale et de ne pas rater le train de la mondialisation. Pari réussi. En treize ans environ, l’industrie du pays s’est développée et diversifiée. Le nombre d’unités industrielles portant un label international de qualité est passé de 10 en 1995 à 800 aujourd’hui. Le taux d’encadrement a atteint 17 % (il était de 9 % en 1995). L’entreprise tunisienne est devenue plus compétitive. Suffisamment en tout cas pour pouvoir répondre aux exigences (qualité, délais) d’un marché de 500 millions de consommateurs.
Pour Afif Chelbi, ministre de l’Industrie, de l’Énergie et des Petites et Moyennes Entreprises, savoir si l’industrie tunisienne est prête pour la ZLE n’est même plus d’actualité. Près de 70 % des exportations manufacturières proviennent des entreprises qui bénéficient, depuis 1972, d’un statut offshore leur donnant le droit de travailler pour les marchés européens. La majeure partie des sociétés locales non exportatrices sont, quant à elles, confrontées à la concurrence des produits étrangers depuis ?cinq ans. « L’enjeu aujourd’hui, c’est d’aller plus loin, lance Afif Chelbi. L’intégration dans la ZLE avec ?l’UE, le 1er janvier 2008, marque une étape historique pour notre industrie. Nous pouvons considérer la Tunisie comme une plate-forme de production euro-méditerranéenne. »
Plate-forme de production Tel est le positionnement de l’industrie tunisienne dans l’espace de l’Union européenne et de la Méditerranée (espace Euro-Med). Vu pieux ou objectif réaliste ? Le pays dispose de sérieux atouts : proximité ?géographique avec le Vieux Continent, réseau de télécommunications fiable, nouveaux ports et aéroports en construction, implantation de zones industrielles sur l’ensemble du territoire, technopoles spécialisées, zéro droit de douane, exonération d’impôts sur les bénéfices pendant dix ans, liberté de transfert financier. Pour Afif Chelbi, il est inéluctable que cette « plate-forme » devienne de plus en plus attractive pour les entreprises européennes condamnées à gagner en compétitivité pour ne pas perdre leurs parts de marché menacées par la concurrence asiatique.
L’objectif est de doubler le volume annuel moyen des investissements européens dans la « plate-forme Tunisie » pour le faire passer de 400 millions de dinars aujourd’hui à 800 millions de dinars. « Le rythme actuel des implantations d’entreprises européennes en Tunisie nous laisse penser que cet objectif peut être atteint, affirme le ministre du Commerce. Un exemple parmi d’autres : celui du groupe de prêt-à-porter Benetton, qui fabrique plus du tiers de sa production mondiale en Tunisie. Et d’autres grands projets sont en cours. On en compte une dizaine rien que dans le secteur des composants pour l’aéronautique, qu’il s’agisse de créations ou d’extensions d’unités implantées ces dernières années. »
Ce mouvement accru de délocalisation de l’Europe vers la Tunisie comprend également la confection de câbles et de faisceaux de câbles. Une activité dont le pays détient déjà 2 % du marché mondial grâce à ses avantages comparatifs. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Quatre groupes de renom ont déjà fait savoir qu’ils s’implanteront en Tunisie dans le courant de l’année : les allemands Dräxlmaier à Siliana (4 600 emplois) et Kromberg & Schubert à Béja (4 800 emplois), le sud-coréen Sewon à Kairouan (3 000 emplois) et le germano-japonais Sumitomo Electric Bordnetze au Kef (2 500 emplois). De bon augure

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