27 mars 1996Enlèvement des moines de Tibéhirine

Publié le 25 mars 2008 Lecture : 2 minutes.

Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, à 1 h 15, une vingtaine d’hommes en armes font irruption dans le monastère Notre-Dame de l’Atlas, à Tibéhirine, un village situé à quelque 90 kilomètres au sud-ouest d’Alger. Selon toute vraisemblance, ils appartiennent aux Groupes islamiques armés (GIA). L’un d’eux au moins est blessé, peut-être leur chef. Ils exigent que le « toubib », c’est-à-dire le frère Luc Dochier, un médecin de 82 ans vivant en Algérie depuis 1949, les accompagne. Le prieur du monastère, Christian de Chergé, s’y oppose catégoriquement. Excédés par tant de fermeté, les maquisards décident d’emmener avec eux les sept moines (deux s’étaient cachés). Deux mois plus tard, les têtes des religieux sont retrouvées à la sortie de Médéa, à quelques kilomètres de Tibéhirine.

Malgré la guerre civile qui faisait rage dans la région – en particulier dans la plaine de la Mitidja toute proche -, les membres de la communauté trappiste (cisterciens observant strictement la règle de saint Benoît) avaient fait le choix de rester à Tibéhirine (« le jardin », en berbère). Loin d’avoir cherché le martyre, ils étaient motivés par la fidélité à leur engagement monastique, mais aussi par leur profond attachement à l’Algérie. « S’il nous arrive quelque chose – je ne le souhaite pas -, nous voulons le vivre ici, en solidarité avec tous les Algériens qui ont déjà payé de leur vie », écrivait, en mai 1994, un des moines, le frère Michel.
Quelques mois auparavant, le 30 octobre 1993, le GIA avait lancé un ultimatum aux étrangers : tous devaient avoir quitté le pays avant le 1er décembre. De fait, dès le 24 décembre – la veille de Noël -, vers 19 h 15, un groupe de maquisards se présente à la porte du monastère. Comme une répétition du drame de 1996, ils exigent que le frère Luc les suive pour soigner leurs malades. « Cette nuit, c’est la fête de la naissance d’Issa, prince de la paix », leur rétorque le frère Christian, dont la fermeté, cette fois-là, est payante. Impressionné, le chef des maquisards tourne les talons. Et, pendant plus de deux ans, les moines ne sont pas inquiétés. Jusqu’à cette nuit du 26 mars 1996.
Mais si la responsabilité des GIA dans l’enlèvement des sept moines de Tibéhirine est évidente, de nombreuses zones d’ombre subsistent. Non seulement l’opération du 27 mars n’était apparemment pas préméditée, mais elle ne pouvait que heurter les sentiments religieux des Algériens et nuire gravement à l’image des maquisards. En outre, contrairement à leur habitude, les GIA ont revendiqué tardivement le rapt dans un communiqué daté du 18 avril et signé par leur émir national de l’époque, Abou Abd el-Rahmane Amine – alias Jamel Zitouni. Celui-ci réclame la libération de plusieurs combattants islamistes et conclut son message par un chantage qui sera mis à exécution le 21 mai : « Si vous libérez, nous libérons ; si vous ne libérez pas, nous égorgeons. » Les négociations ont-elles échoué ? Certains groupes des GIA étaient-ils manipulés ? Les moines ont-ils été victimes d’une bavure de l’armée lors d’un assaut ? De la rivalité entre différents groupes des GIA ?
Plus de dix ans après le drame, le doute plane encore sur les circonstances de leur mort. Une chose est sûre : « Grâce à eux, témoignent plusieurs habitants de Tibéhirine, aucun d’entre nous n’a rejoint les groupes armés »

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