Lutte antiterroriste : en attendant l’union sacrée

Empêtrés dans leurs querelles historiques, les responsables politiques et militaires des pays de la région ne parviennent pas à unir leurs efforts sur le plan sécuritaire. Une aubaine pour les salafistes, regroupés, eux, sous la même bannière.

Publié le 25 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

Le Maghreb des salafistes ne s’embarrasse pas des différends territoriaux ou politiques qui paralysent l’Union du Maghreb arabe (UMA), la seule des cinq entités régionales africaines dont le fonctionnement est des plus aléatoire. La création, en septembre 2006, d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a scellé l’alliance des principales organisations djihadistes actives en Afrique du Nord : le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) pour l’Algérie, le Groupe islamique combattant marocain (GICM) pour le royaume chérifien et son homonyme libyen (GICL) pour la Jamahiriya. En Tunisie et en Mauritanie, on ne recense pas d’organisation nationale, ce qui n’exclut pas l’existence de réseaux dormants locaux, de cellules de recrutement et de soutien logistique, ainsi qu’une forte présence de ressortissants de ces pays dans les maquis et camps d’entraînement terroristes.

VU PIEUX

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C’est devenu un quasi-rituel. Chaque attentat kamikaze en Algérie donne lieu au même échange épistolaire entre le roi du Maroc et le président algérien. Mohammed VI condamne fermement le terrorisme, déplore les pertes humaines et préconise une dynamisation de la coopération sécuritaire entre les deux pays. Abdelaziz Bouteflika le remercie, condamne tout aussi fermement le terrorisme et réaffirme la volonté de l’Algérie d’uvrer à l’amélioration de la coopération sécuritaire avec le Maroc. Mais cette volonté politique au sommet des deux États ne s’est jamais réellement concrétisée, les services de sécurité algériens et marocains ne parvenant pas à transcender leur contentieux pour instaurer un vrai climat de confiance, préalable à toute collaboration efficace.
D’un côté, les Marocains rechignent à se fier totalement à ceux qui « arment » les sécessionnistes du Polisario, de l’autre, les Algériens ne pardonnent toujours pas à leur voisin de leur avoir imputé la paternité des attaques terroristes contre l’hôtel Hasni, à Marrakech (deux touristes espagnols tués), en 1994. « Le discours officiel ne peut rien si au niveau opérationnel la méfiance est de mise, assure un officier de la lutte antiterroriste algérienne. Il y a bien des échanges d’informations, mais ils restent dérisoires, car la crainte de la désinformation ou de la manipulation obsède nos agents et les leurs. » Même son de cloche au Maroc : « Tout le monde convient que la bande sahélo-saharienne est devenue hautement dangereuse, car incontrôlable. Comment améliorer cette situation si une véritable armée [celle du Polisario, NDLR] s’y promène en toute liberté. »

PAS DE PATROUILLES COMMUNES

Conséquence de la paralysie qui frappe les institutions de l’UMA, les seuls canaux de coopération en matière de sécurité sont extramaghrébins : le Conseil des ministres arabes de l’Intérieur, basé à Tunis, ou encore le processus de Barcelone, qui a mis en place le mécanisme dit des « 5+5 » (des réunions périodiques entre les officiels des cinq pays du Maghreb avec leurs homologues portugais, espagnols, français, italiens et maltais). C’est à l’occasion de ces rencontres que se voient le plus souvent Yazid Zerhouni et Chakib Benmoussa, respectivement ministres algérien et marocain de l’Intérieur.
En l’absence de tout mécanisme multilatéral maghrébin de coopération sécuritaire, la Tunisie se rabat sur le bilatéral. Ayant 900 kilomètres de frontière commune avec l’Algérie, c’est avec celle-ci que les échanges sont les plus denses. « Cela n’exclut pas les autres pays du Maghreb, avec lesquels la coopération est plus épisodique, au cas par cas, explique un responsable tunisien. En revanche, avec les Algériens, la concertation remonte au début des années 1990 et va se renforçant. » De nombreux Tunisiens ont été arrêtés en Algérie alors qu’ils s’entraînaient dans les camps du GSPC. Au lendemain des accrochages dans les environs de Tunis, en décembre 2006 et janvier 2007, les échanges de visites entre responsables de la lutte antiterroriste des deux pays se sont accentués. Le voyage d’Abdelmalek Guenaïzia, ministre délégué algérien à la Défense, dans la capitale tunisienne, en mars 2007, a permis la mise en place d’un mécanisme d’alerte entre unités militaires stationnées des deux côtés de la frontière dans le Nord Constantinois, mais il n’y a pas de patrouilles communes. La visite en Tunisie, en septembre 2007, du général major Hacène Tafer, patron des forces terrestres algériennes, a permis de renforcer la surveillance de cette zone devenue une base de repli des combattants d’AQMI. Toutefois, cette coopération a ses limites, notamment dans le Sud. Le 7 février 2008, une embuscade tendue par un groupe terroriste à Guemmar, dans la région d’El-Oued (850 km au sud-est d’Alger), a coûté la vie à une dizaine de gardes-frontières algériens. Après leur forfait, ce groupe s’est réfugié en territoire tunisien. L’information a été transmise aux services tunisiens. Quinze jours plus tard, le même groupe kidnappait deux touristes autrichiens dans la région de Tataouine, en Tunisie « On signale parmi les ravisseurs la présence de Tunisiens, de Mauritaniens et de Libyens. En face, il n’y a aucune unité militaire mixte », déplore un officier algérien. Le Maghreb des salafistes est, hélas, bien plus efficace que le Maghreb des officiels.

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