Le rêve de Barack Obama

Publié le 25 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

Il en rêvait. Le 18 mars, à Philadelphie, Barack Obama a prononcé le discours le plus marquant de sa campagne pour l’investiture démocrate à l’élection présidentielle. Cette quasi-profession de foi sur le rôle des « races » et de la religion dans la société américaine intervient à un moment clé, alors qu’il ne parvient pas à prendre franchement l’ascendant sur Hillary Clinton, sa rivale démocrate, et que sa cote de popularité a même tendance à fléchir après les déclarations pour le moins embarrassantes de Jeremiah Wright, son ancien pasteur. Celui-ci a en effet publiquement estimé, entre autres gracieusetés, que Dieu a toutes les raisons de « maudire l’Amérique » pour avoir pratiqué la ségrégation raciale, et que les attentats du 11 septembre 2001 étaient dus au « terrorisme américain ». Pour le sénateur de l’Illinois, il était donc urgent sinon de désamorcer la polémique, du moins d’en circonscrire les effets potentiellement dévastateurs. Ce qu’il a fait avec brio. Et efficacité ? La suite le dira. Voici quelques extraits de son allocution.

Je me suis porté candidat à la présidence parce que je crois qu’il nous faut être unis pour relever les défis de notre temps. Cette certitude vient de ma foi en la générosité du peuple américain, mais aussi de mon histoire personnelle. Une histoire qui a ancré dans mes gènes la conviction que la nation américaine représente plus que la simple somme de ses composantes.
J’ai déjà fermement condamné les déclarations polémiques de Jeremiah Wright. Celles-ci expriment une vision erronée de l’Amérique, dont elles surestiment largement les défauts au détriment des qualités. Surtout, elles fomentent la division là où nous avons besoin d’unité pour résoudre des problèmes fondamentaux : deux guerres en cours, la menace terroriste, une économie proche de la récession, la crise du système de santé et les risques liés au changement climatique.
Pour autant, je ne peux pas davantage renier mon ancien pasteur que je ne peux renier la communauté noire, non plus que ma grand-mère blanche, une femme qui m’a élevé et s’est sacrifiée pour moi, mais qui m’a un jour confié avoir peur des hommes noirs qu’elle croisait dans la rue. Toutes ces personnes font partie de moi comme elles font partie des États-Unis, ce pays que j’aime tant.
Pour la génération du pasteur Wright, la mémoire des années d’humiliation est toujours vive. La peur, l’amertume et la colère aussi. Mais certains membres de la communauté blanche expriment une colère similaire : ceux, par exemple, qui n’ont pas l’impression d’avoir été favorisés par la couleur de leur peau et qui, au contraire, s’estiment lésés par la discrimination positive, un système inventé pour compenser une injustice dont ils ne se sentent pas personnellement responsables.
Comme la colère des Noirs s’est souvent révélée improductive, le ressentiment des Blancs a détourné l’attention de la classe moyenne des vraies raisons de son malaise : une culture d’entreprise excluant les négociations collectives, un Congrès dominé par les lobbies et les intérêts particuliers, des politiques économiques favorisant une minorité d’individus au détriment de la majorité
Alors, on peut aborder la question raciale comme un spectacle. On peut diffuser tous les jours les sermons du pasteur Wright, sur toutes les chaînes, et en parler jusqu’au jour de l’élection, spéculer à l’infini sur le point de savoir si, oui ou non, les Américains estiment que j’approuve ses propos agressifs. Mais si nous le faisons, je peux vous dire que lors des prochaines élections nous discuterons d’un autre sujet distrayant. Puis d’un autre. Puis d’un autre encore. Et que rien ne changera. Le seul moyen d’éviter cela est de nous rassembler. Et de dire Non, pas cette fois ! »

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