Angola : Carlos Saturnino limogé de la direction de Sonangol
Le président João Lourenço a renvoyé le patron de la compagnie nationale pétrolière qu’il avait nommé pour réformer la société alors que le pays, deuxième producteur d’or noir du continent, est confronté à une pénurie de carburants.
Il ne sera resté qu’un an et demi à la tête de Sonangol. À peine plus que son prédécesseur, Isabel dos Santos, la fille de l’ancien président angolais José Eduardo dos Santos, congédiée par le nouveau chef de l’État, João Lourenço, deux mois après l’arrivée au pouvoir de ce dernier, en septembre 2017.
João Lourenço a créé la surprise en annonçant dans un communiqué, envoyé le 8 mai, le limogeage du président du conseil d’administration de la compagnie pétrolière angolaise, Carlos Saturnino. Il avait nommé ce très bon connaisseur de la compagnie, avec près de trente ans de carrière, en novembre 2017, pour mettre en œuvre une modernisation à marche forcée de Sonangol, machine à cash de l’Angola, deuxième producteur d’or noir d’Afrique. Le président angolais a également limogé quatre des six administrateurs exécutifs de la société, ne confirmant à leur poste que les administrateurs non-exécutifs, dont les deux anciens Premiers ministres Lopo do Nascimento et Marcolino Moco.
Si la présidence n’a fourni aucune raison, sa décision intervient en pleine pénurie de carburants dans le pays et au lendemain d’une réunion au palais présidentiel sur le sujet. À son issue, la présidence avait déclaré que le problème venait d’un « manque de dialogue et de communication entre Sonangol et les différentes institutions de l’État ». Depuis la fin de la semaine dernière, l’approvisionnement en produits dérivés du pétrole, dont est responsable Sonangol, est très perturbé.
Une entreprise réticente aux changements
La compagnie, qui promet un retour à la normale au plus vite, explique la situation par le manque de liquidités en dollars nécessaires au règlement des importations de carburants, pointant la responsabilité du ministère des Finances et de la Banque centrale. L’Angola importe 80 % des produits dérivés qu’elle consomme, la raffinerie de Luanda n’assurant que 20 % de la consommation nationale.
Sonangol plaide également pour une hausse du prix des carburants, vendus en dessous de leur prix de revient, afin d’améliorer ses comptes, ce que la présidence rechigne à faire par peur d’alimenter la contestation sociale. Dans ce contexte, le limogeage de Carlos Saturnino apparaît comme le moyen pour João Lourenço de rejeter la faute sur Sonangol, sanctionnée pour sa mauvaise gestion de la crise des carburants.
Mais ce n’est pas tout. Le renvoi de Carlos Saturnino illustre aussi les tensions actuelles entre Sonangol et la présidence. Il témoigne des difficultés du président Lourenço, soutenu par la Banque centrale, à réformer une compagnie pétrolière tentaculaire, réticente aux changements et souhaitant conserver un certain degré d’opacité. Depuis son arrivée au pouvoir, João Lourenço a engagé des transformations qui remettent en cause la puissance de Sonangol et la pressent de gagner en efficacité.
Un autre pur produit Sonangol aux manettes
Outre la série de privatisations de filiales et participations annoncée, la compagnie s’est vue retirer ses attributions de concessionnaire des champs angolais, confiées à une nouvelle Agence nationale du pétrole. De quoi bousculer des pratiques anciennes et des intérêts en place. La compagnie doit aussi développer son activité de raffinage afin d’augmenter la production de produits dérivés locaux et de diminuer les importations, ce qui contrecarre les affaires de ceux qui ont prospéré sur ce créneau. Carlos Saturnino aurait-il payé pour avoir défendu le statu quo ?
Plus largement, le bras de fer entre la présidence et Sonangol entretient le doute sur la capacité de João Lourenço à parvenir à ses fins. Il montre sa difficulté à trouver des personnes de confiance pour mettre en place ses politiques. Il interroge sur ses choix en tant que dirigeant.
>>> À LIRE : Angola : Lourenço face à ses promesses économiques
Pour remplacer Carlos Saturnino, le président a nommé Sebastião Gaspar Martins, un autre pur produit de Sonangol, affichant près de quarante ans d’ancienneté dans la compagnie, et qui a longtemps dirigé sa filiale d’exploration et de production. Autre point commun avec Carlos Saturnino, le nouveau patron Gaspar Martins est réputé proche de Manuel Vicente, ancien patron de Sonangol durant la présidence dos Santos et pointé du doigt pour son affairisme. Pour beaucoup d’observateurs, il sera difficile de faire du neuf avec du vieux.
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