Ramadan : pourquoi tous les pays musulmans n’ont pas commencé à jeûner le même jour

Si la plupart des pays sunnites ont débuté le jeûne le lundi 6 mai, d’autres ont entamé le mois saint un jour avant ou après. Pourquoi ces décalages ? Explications.

Un fidèle musulman dans une mosquée népalaise, lundi 13 mai 2019 (image d’illustration). © Niranjan Shrestha/AP/SIPA

Un fidèle musulman dans une mosquée népalaise, lundi 13 mai 2019 (image d’illustration). © Niranjan Shrestha/AP/SIPA

Wided

Publié le 14 mai 2019 Lecture : 4 minutes.

Cette année, le mois de ramadan a commencé officiellement lundi 6 mai. Si la plupart des pays musulmans ont entamé le jeûne ce jour-là, cette date ne fait pas l’unanimité. Pour l’Arabie saoudite et la plupart des communautés sunnites – à l’instar du Conseil français du culte musulman (CFCM) – cela a constitué le premier jour du jeûne. Mais au Maroc et dans les communautés chiites – Iran en tête – le carême n’a débuté que le lendemain.

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En Afrique subsaharienne, le lundi a été le 1er jour de ramadan pour le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, tandis que ça été le dimanche au Mali et le mardi au Sénégal. Des différences qui suscitent plusieurs interrogations. Les règles ne semblent pourtant pas si difficiles.

Observation ou calcul astronomique ?

Le calendrier hégirien ou « calendrier islamique » est lunaire et non solaire, fondé sur une année de 12 mois de 29 à 30 jours chacun. Une année hégirienne compte donc 354 ou 355 jours, et est par conséquent plus courte d’environ onze jours par rapport à une année solaire.

Le mois de ramadan, celui de la « révélation », correspond ainsi au neuvième mois. Chaque année, le début des mois musulmans équivaut au premier jour où le croissant lunaire – « hilal » en arabe – est visible. D’où les observations nocturnes qui définissent à chaque fois le premier et le dernier jour du mois hégirien.

Dans le Coran, la méthode est claire. Si on voit la lune, on jeûne le lendemain. Si on n’arrive pas à l’apercevoir, ce ne sera que le jour d’après

Cette observation n’est jamais aussi importante qu’à la veille de ramadan, qui correspond au dernier jour du huitième mois, celui de Chaabane. L’événement est appelé Yawm al-Shakk, ou Nuit du doute : c’est à ce moment-là que le mufti déclare si la lune est apparue, lançant officiellement le jeûne.

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« Dans le Coran, la méthode est claire. Si on voit la lune, on jeûne le lendemain. Si on n’arrive pas à l’apercevoir, ce ne sera que le jour d’après », confirme à Jeune Afrique Fadhel Achour, membre du syndicat des imams de Tunisie. En effet, dans la sourate « al Baqara » du Coran, il est précisé que « quiconque parmi vous aura pris connaissance de ce mois devra commencer le jeûne ».

Un clerc iranien scrutant la lune, dimanche 5 mai 2019. © AP Photo/Ebrahim Noroozi

Un clerc iranien scrutant la lune, dimanche 5 mai 2019. © AP Photo/Ebrahim Noroozi

Des méthodes ont cependant été développées afin de calculer à l’avance le début des mois hégiriens. C’est le cas en Turquie, qui est l’un des rares pays musulmans à définir le premier jour de ramadan plusieurs mois en amont. « On peut effectuer des calculs scientifiques pour déterminer la nouvelle lune astronomique. Cette méthode demeure très rare car la plupart des pays préfèrent procéder à la vision lunaire, comme le préconisent les textes », nuance Fadhel Achour.

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Si l’imam considère que la forme de la lune est toujours la même dans tous les coins de la Terre, un ancien ministre tunisien des Affaires religieuses et islamologue nuance : « dans certains endroits, la lune peut ne pas être visible partout sous la même forme, pour des raisons géographiques », ce qui explique cette différence. Peu de spécialistes semblent toutefois convaincus par cet argument.

Influences géopolitiques

En dépit des méthodes religieuse et scientifique, la question géopolitique n’est pas écartée. En effet, beaucoup considèrent que des pays font l’impasse sur la vision lunaire et privilégient le suivi ou la singularité. « Quand la religion unit, les politiques nous divisent. L’exemple le plus patent est sans doute celui des pays sunnites et chiites. En général, les premiers suivent l’Arabie saoudite ; les seconds, l’Iran. C’est aberrant car dans un pays comme le Yémen, une partie de la population jeûne le lundi et une autre le mardi », regrette Fadhel Achour.

Quant au cas spécifique du Maroc, l’imam tunisien explique que le pays a toujours voulu se distinguer et s’imposer comme un leader religieux dans la région. « L’annonce des fêtes religieuses est le moment pour ces pays d’afficher leur indépendance et leur savoir religieux. »

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En dépit de toutes ces différences, tous les pays musulmans s’accordent – de fait – sur la date d’Arafat. Correspondant au neuvième jour du mois de Dhou al-hijja (70 jours après ramadan), c’est au cours de celui-ci que le dernier verset du Coran a été révélé. Il s’agit également du deuxième jour du Hajj, le pèlerinage à la Mecque – qui constitue le cinquième pilier de l’islam – , et précède le jour de l’Aïd al-Adha (fête du sacrifice, communément appelée Tabaski en Afrique de l’Ouest).

« Tous les pèlerins qui se trouvent à la Mecque se dirigent vers le mont Arafat, où le prophète a révélé son message. Ce jour est unique et impose une seule date pour la grande fête, qui est célébrée le lendemain. L’ironie de la situation, c’est qu’en dépit de tous les décalages précédents par rapport aux mois hégiriens, tous doivent s’accorder sur cette date, qu’impose le déroulé du Hajj, et donc indirectement l’Arabie saoudite », s’amuse l’ex-ministre des Affaires religieuses contacté par Jeune Afrique.

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