Algérie : premier vendredi de manifestations depuis le début du jeûne de ramadan

Les Algériens ont manifesté pour un douzième vendredi consécutif, le premier depuis le début du ramadan. Un mois de jeûne durant lequel la fatigue accumulée interroge sur l’intensité de la mobilisation contre le régime et contre l’élection présidentielle prévue début juillet.

Des manifestants dans les rues d’Alger en mai 2019. © AP Photo/Toufik Doudou

Des manifestants dans les rues d’Alger en mai 2019. © AP Photo/Toufik Doudou

Publié le 10 mai 2019 Lecture : 3 minutes.

Un jeune garçon lors d’une manifestation contre le régime Bouteflika, en mars 2019 en Espagne (photo d’illustration). © Alvaro Barrientos/AP/SIPA
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La mobilisation semblait forte vendredi au départ du cortège, peu après la fin de la grande prière hebdomadaire en début d’après-midi, sous un ciel ensoleillé et sans nuage et une température avoisinant les 30 degrés.

Plusieurs rues autour de la Grande Poste étaient noires de monde et la foule continuait de converger vers ce bâtiment emblématique du centre d’Alger, devenu le point de ralliement de plus de deux mois de manifestations dans la capitale.

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« Dégage Gaïd ! Dégage Bédoui ! Dégage Bensalah ! », scandaient les manifestants à l’adresse du général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée et de facto homme fort du pays depuis la démission le 2 avril, et du Premier ministre Noureddine Bedoui ainsi que du chef de l’Etat par intérim Abdelkader Bensalah.

Le général Gaïd Salah a été un temps vu comme un allié de la contestation après avoir lâché Bouteflika, ce qui avait rendu la démission du président inéluctable après vingt ans au pouvoir. Vendredi, comme la semaine précédente, il a été particulièrement visé par les manifestants : l’Algérie « est une République, pas une caserne », « l’armée est notre armée et Gaïd nous a trahis », ont-ils lancé.

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Mobilisation malgré le jeûne

« Il fait très chaud, c’est difficile de marcher quand on ne peut pas boire d’eau », a confié Samir Asla, 58 ans, qui se protège du soleil à l’ombre d’un arbre en attendant le départ du cortège. Baya, 41 ans, est venue avec ses deux filles adolescentes, car elle « avait peur que les gens ne sortent pas à cause de la chaleur et du ramadan ».

La mobilisation sera observée de près, alors que plusieurs organisations et personnalités proches de la contestation accusent le général Gaïd Salah de vouloir imposer de force le processus de transition en cours et l’élection présidentielle convoquée le 4 juillet pour élire le successeur de Bouteflika.

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Or, les manifestants refusent de voir ce scrutin organisé par les structures et personnalités de l’appareil laissé derrière lui par Bouteflika, incarné notamment par Bensalah, Bedoui et Gaïd Salah, fidèles jusqu’à la démission du chef de l’État, après vingt ans à la tête de l’Algérie.

Après celle de plusieurs riches hommes d’affaires accusés de malversations, l’incarcération dans la semaine de Saïd Bouteflika, longtemps considéré comme un tout-puissant « président bis » jusqu’à la démission de son frère Abdelaziz, a été bien accueillie par les manifestants.

Une « conspiration » contre l’armée ?

Si ces incarcérations ont été accueillies avec satisfaction par les manifestants, ces derniers peinent à dissiper l’impression que ces arrestations sont surtout l’occasion d’une purge au sommet dans le cadre d’une lutte de clans de l’ancien régime. Elles avaient été précédées par l’incarcération de richissimes hommes d’affaires pour la plupart liés au clan Bouteflika, et de nombreux observateurs y ont vu la main du général Gaïd Salah.

Le placement en détention provisoire, jeudi, de Louisa Hanoune, cheffe du Parti des Travailleurs (PT, 11 députés), a aussi été vu par plusieurs organisations liées à la contestation comme une tentative de l’armée d’imposer par « la force » le processus constitutionnel de transition en cours. L’armée, en dénonçant une « conspiration » contre elle, ne tenterait-elle pas « de faire taire toutes les voix discordantes » s’opposant au processus de transition souhaité par Gaïd Salah ?, se demande ainsi la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH).

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