[Tribune] Sahel : comment joindre l’urgent au durable

Pour mettre un terme aux conflits qui agitent le Sahel, il est nécessaire d’apporter des réponses immédiates à la crise tout en proposant une approche pérenne. Et ces moyens existent.

Une femme et ses enfants à Louri, au Tchad, le 1er novembre 2012. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Une femme et ses enfants à Louri, au Tchad, le 1er novembre 2012. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Bello
  • Abdoul Salam Bello

    Administrateur du Groupe Afrique II au Conseil d’administration du Groupe de la Banque mondiale, Washington 

Publié le 15 mai 2019 Lecture : 3 minutes.

Le Sahel est au cœur des préoccupations. Depuis plusieurs mois, au Burkina comme au Mali, les conflits communautaires s’ajoutent aux problématiques sécuritaires, humanitaires et de développement. La situation dans la sous-région est telle qu’il faut trouver le moyen d’apporter des réponses immédiates à la crise tout en proposant une approche pérenne. Autrement dit, il faut parvenir à concilier ce qui, à première vue, peut paraître inconciliable : l’urgent et le durable.

Les urgences, justement, sont multiples. À cause de l’insécurité, 900 écoles ont par exemple dû fermer au Mali. Et au Burkina Faso, voisin, 440 établissements scolaires doivent également garder porte close, excluant 66 000 enfants du système éducatif pour l’année en cours.

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Approche sécuritaire

La pression sécuritaire a généré des coûts macroéconomiques et budgétaires importants pour chacun des pays de la sous-région : selon le Sipri, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, entre 2013 et 2018, les dépenses militaires du Mali ont presque quadruplé, passant de 132 à 495 millions de dollars, celles du Niger ont été multipliées par 2,5, passant de 91,6 à 230 millions de dollars, tandis que celles du Burkina Faso ont doublé, passant de 142 à 312 millions de dollars. En Mauritanie, elles représentaient l’équivalent de 4,1 % du PIB en 2016.

Bien sûr, cela a des effets sur les investissements dits sociaux. En 2018, le Niger a consacré 17 % de son budget à la sécurité et « seulement » 11 % à la santé. Et, après avoir fortement accru la part de ses dépenses publiques consacrée à l’éducation entre 2010 et 2014 (de 3,7 % à 6,7 % du PIB), le pays l’a réduite à 4,4 % en 2017.

Casques bleus dans le quartier PK5 de Bangui, en février 2016. © Jerome Delay/AP/SIPA

Casques bleus dans le quartier PK5 de Bangui, en février 2016. © Jerome Delay/AP/SIPA

Mécanisme de prévention des conflits

Et ce cas est loin d’être isolé. Il fait peu de doute que l’augmentation de la menace sécuritaire, conjuguée à la non-« soutenabilité » de la hausse des dépenses de sécurité au détriment des autres secteurs et à l’incapacité des États à atteindre leurs objectifs en matière de développement, a déjà commencé à alimenter un dangereux cercle vicieux. Une meilleure prise en compte des analyses sur la prévention des conflits est fondamentale.

Rappelons que, dans son rapport d’alerte précoce publié en avril 2018, le Musée du mémorial de l’Holocauste des États-Unis avait mis en garde contre le risque d’une tragédie comme celle d’Ogossagou, au Mali (le 23 mars, plus de 160 civils peuls ont été massacrés dans cette localité du centre du pays). Il est important de développer, de renforcer et d’appliquer à l’échelle régionale les mécanismes de prévention des conflits, tout comme il est crucial de mettre sur pied des systèmes d’alerte précoce qui, ailleurs, ont fait la preuve d’une certaine efficacité.

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Améliorer l’accès aux services sociaux de base

La gravité de la situation appelle également à plus de coordination entre les acteurs et le secteur privé. L’an dernier, l’ONU et la Banque mondiale ont signé un cadre de partenariat stratégique en vue de consolider leur engagement en faveur du développement durable à l’horizon 2030. Les Nations unies ont mis en œuvre un Plan de soutien au Sahel, qui cible dix pays (Burkina, Cameroun, Gambie, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal et Tchad).

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Et il existe d’autres possibilités de synergies en matière d’action pour le climat, d’énergies renouvelables ou d’autonomisation des femmes et des jeunes. Il est indispensable de mettre en place plus de projets intégrés qui visent à améliorer l’accès aux services sociaux de base, mais aussi d’élargir les perspectives économiques pour les populations des zones cibles.

Répondre aux urgences et inscrire les actions dans la durée

En décembre 2018, les partenaires et les bailleurs de fonds du G5 Sahel se sont réunis à Nouakchott, en Mauritanie. Près de 2,4 milliards d’euros ont été promis pour financer le Programme d’investissements prioritaires (PIP) pour la période 2019-2021. Mais se pose la question de la mobilisation effective de ces ressources financières.

S’il veut accroître son impact, répondre aux urgences et inscrire ses actions dans la durée, le G5 aura besoin de moyens pour améliorer ses opérations, ses politiques et ses processus. Dans la lutte pour le Sahel, l’effort collectif, intelligent et déterminé reste nécessaire pour (re)mettre la région sur la voie d’une paix et d’un développement durables.

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