Charles Koffi Diby : « Tout est transparent en Côte d’Ivoire »

le ministre de l’Économie et des Finances se veut optimiste. Il donne des gages ?de bonne gouvernance, promet la poursuite des réformes et annonce le retour de la croissance. De quoi rassurer les opérateurs économiques ?

Publié le 25 mars 2008 Lecture : 5 minutes.

JEUNE AFRIQUE : Après l’effondrement des années de crise, l’économie ivoirienne semble orientée à la hausse. Vous prévoyez un taux de croissance de 2,9 % pour 2008, après 1,5 % en 2007. N’est-ce pas trop optimiste ?

Charles KOFFI DIBY : Nous sommes restés prudents. Cette projection se fonde sur l’embellie attendue dans l’agriculture et le secteur pétrolier, qui devrait être dopé par la hausse des cours du brut ainsi que l’entrée en exploitation de nouveaux puits. Mais cela ne suffira pas à atteindre 2,9 %. Nous misons donc sur le bâtiment et les travaux publics, le commerce ainsi que les transports qui devraient profiter de la réunification du pays. Nos espérances reposent également sur la reprise de l’aide de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.

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Quels gages apportez-vous au FMI sur la bonne gouvernance économique ?

Des délégations du fonds ont séjourné à plusieurs reprises à Abidjan dans le cadre de la revue du programme postconflit. Je crois pouvoir dire qu’elles sont reparties satisfaites. Beaucoup d’efforts ont été réalisés en matière de transparence. La Côte d’Ivoire a signé la directive de l’UEMOA contre le blanchiment d’argent. La Centif [Cellule nationale de traitement des informations financières, ndlr] a été installée à Abidjan et sera bientôt dotée de son budget. La Côte d’Ivoire est par ailleurs membre du Giaba [Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment de l’argent en Afrique, NDLR].

Les bailleurs de fonds ont à maintes reprises dénoncé l’opacité dans la filière café-cacao et le niveau trop élevé des prélèvements sur les producteurs, et demandé des garanties sur l’utilisation des revenus. Où en est la réforme ?

Depuis 2006, la parafiscalité est prélevée correctement. Bien gérée, elle fait l’objet d’une communication en Conseil des ministres. La Banque mondiale l’a officiellement reconnu. Un comité de gestion où siègent les ministres de l’Agriculture et des Finances a été constitué : 50 milliards de F CFA sont actuellement utilisables. Grâce à ces ressources, nous avons créé à un fonds d’investissement en milieu rural.

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Mais la refonte des nombreuses structures qui pèsent sur la filière attend toujours

Nous faisons en sorte qu’un audit opérationnel avec les acteurs du secteur, l’État et la Banque mondiale soit réalisé. En attendant, nous avons déjà diminué la parafiscalité et donc abaissé les budgets de fonctionnement de ces structures.

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Un autre dossier est jugé prioritaire par les opérateurs économiques et notamment par les dirigeants des PME françaises : l’indemnisation des entreprises pillées lors des événements en novembre 2004. Le dossier est au point mort

Je ne cesse de le répéter : un fonds de 6 milliards de F CFA existe. L’argent est disponible mais c’est aux entreprises de se regrouper en créant par exemple une société de gestion pour redistribuer correctement cet argent.

Revenons à la marche de l’économie. ?Aurez-vous les moyens de lutter contre ?l’inflation ?

Elle a été contenue à 1,9 % en 2007, en deçà des critères de convergence de l’UEMOA. Mais, comme partout, nous connaissons une envolée des prix des produits de première nécessité. Nous envisageons donc des mesures conjoncturelles. Courant 2007, la TVA sur les importations de blé a été réduite durant six mois. Nous sommes en pourparlers avec les importateurs afin d’alléger la fiscalité sur le riz et le lait. Nous avons également « la protection SIR » [Société ivoirienne de raffinage] qui permet à l’État de prendre à sa charge la hausse du brut et de contenir les tarifs à la pompe. Mais dans le cadre du programme avec le FMI, nous serons dans l’obligation d’augmenter modérément ces prix si les cours continuent de progresser.

Et il y a le pétrole. Le département américain de l’Énergie estime la production ivoirienne à plus de 100 000 barils par jour

Il faut que les Américains nous disent d’où ils tirent ces chiffres. Tous les mois, je communique les statistiques pétrolières à un comité créé à cet effet. Tout est transparent. Le maximum annoncé fut 60 000 barils par jour. C’était en 2005, avant que le champ Baobab ne s’ensable. Nous sommes tombés à 48 000 b/j avant de remonter à 55 000 b/j. Des audits ont été commandés. Les chiffres sont disponibles, notamment ceux qui portent sur la SIR et les contrats de partage de production avec les compagnies. Ces contrats ne sont en fait qu’une fiscalisation de la production à hauteur de 10 %, quel que soit le nombre de barils extraits. Ces bénéfices sont budgétisés, et cela ne représente que 135 milliards de F CFA [le total des recettes publiques en 2007 s’est élevé à 1 847 milliards de F CFA, NDLR]. Par ailleurs, nous avons adhéré à l’Initiative pour la transparence des industries extractives [ITIE]. Cela nous permettra de savoir qui dit la vérité.

Où en est le redéploiement de l’administration fiscale dans le Nord ?

Le Premier ministre Guillaume Soro vient de signer un arrêté en ce sens. Le redéploiement devrait intervenir au cours des deux prochains mois, en concertation avec les Forces nouvelles [FN, ex-rébellion] et avec un souci : l’unicité des caisses et un redéploiement le plus large possible. Nous ne pouvons accepter que le Trésor se redéploie afin de régler les pensions sans que l’administration fiscale, les douanes ou les centres des impôts ne suivent. Il faut agir vite pour endiguer la fraude qui, dans cette zone, menace sérieusement l’économie formelle.

L’État parviendra-t-il à financer le processus électoral et notamment l’identification des électeurs, qui doit être assurée par la société Sagem Sécurité ?

Fin décembre, lorsque je préparais la loi de finances 2008, ce budget n’était absolument pas prévu, car nous devions préalablement discuter de l’offre technique dont nous venons à peine de recevoir le cahier des charges. Quant à l’offre financière, elle n’est pas totalement évaluée. Quel que soit le montant demandé par Sagem Sécurité, l’État ne paiera pas plus de 20 milliards de F CFA, compte tenu des impératifs budgétaires.

La différence avec le coût global, qui devrait osciller entre 60 et 80 milliards de F CFA, est considérable

C’est pourquoi nous en appelons à la communauté internationale.

Et si elle ne répond pas favorablement, cela ne risque-t-il pas de retarder la tenue des élections ?

Pas forcément, car nous avons jusqu’au mois de juin pour trouver cette somme et nous pourrons rembourser le reliquat jusqu’en février 2009 grâce à l’annualisation ?budgétaire.

Le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, a relancé le débat sur la dévaluation du franc CFA. Quel est votre avis ?

Je ne répondrai pas à cette question.

Elle vous met mal à l’aise ?

Non, mais pour dévaluer une monnaie, il faut des critères objectifs. Donnez-moi un critère économique valable qui justifierait une dévaluation ?

Le renchérissement de l’euro par rapport au dollar, qui pénalise les exportations

L’essentiel est surtout d’avoir un niveau de devises suffisamment important de manière à garantir nos importations, c’est ce que nous apporte le franc CFA. Dévaluer serait une grave erreur.

Dernière question, plus personnelle : une fois le pays réunifié et la crise terminée, aurez-vous d’autres ambitions politiques ?

Je n’en ai absolument pas. Je pourrais en revanche me reconvertir dans le privé.

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