Samuel Foyou, un patron si discret
Ce self-made-man cultive les relations haut placées mais fuit les mondanités. Retour sur l’ascension d’un tailleur qui s’est enrichi dans l’import-export avant de bâtir un vaste empire industriel.
À ceux qui doutent du développement des affaires de Samuel Foyou, Maurice Djeutchoua brandit un épais dossier qu’il sort d’un tiroir de son bureau. « Nous avons déjà obtenu 600 ha de terres. Nous espérons recevoir les 1 400 ha restants dans les prochaines semaines pour planter des arbres fruitiers », explique le directeur général de la Société camerounaise de fermentation (Fermencam), l’un des fidèles lieutenants du self-made-man camerounais, qui l’a accompagné dès le départ dans son aventure industrielle.
Après avoir envisagé de produire des tomates en boîte, le fleuron du groupe – 12 milliards de F CFA de chiffre d’affaires en 2013 (18,3 millions d’euros) – a finalement décidé de se diversifier dans les jus de fruits et l’eau minérale. à Akwa, centre des affaires de Douala, c’est un autre projet de Samuel Foyou qui attire les regards : la construction d’un immense hôtel.
En dix ans, le patron camerounais de 56 ans s’est imposé sur la scène économique locale.
Ce chantier – le plus important de la ville après la cimenterie Dangote -, qui a déjà englouti plus de 8 milliards de F CFA, sera le premier cinq-étoiles de la toute nouvelle chaîne baptisée Krystal Palace. D’autres implantations devraient suivre prochainement à Yaoundé et dans la station balnéaire de Kribi.
Un homme d’affaires « liquide »
En dix ans, le patron camerounais de 56 ans s’est imposé sur la scène économique locale. « Dès 2000, il s’est mis à acheter des usines, une manière d’apprendre le métier d’industriel », se souvient un ancien collaborateur.
En quelques années Sotrasel (sel), Plasticam (plastique et cartonnerie), Moore Paragon (imprimerie), Fermencam (spiritueux) et Unalor (allumettes et bougies) viennent progressivement grossir un portefeuille d’entreprises constitué à l’origine d’une émaillerie – aujourd’hui disparue -, d’une menuiserie industrielle et d’entreprises d’import-export au Congo et en Angola. En 2012, il lance la Biscuiterie Samuel Foyou (BSF). Il possède également un hôtel au Cap, en Afrique du Sud.
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Un groupe bâti sans trop de cohérence. « C’est une juxtaposition d’unités ne reposant sur aucune organisation solide et se rapportant à une seule personne : le fondateur. S’il venait à disparaître, il n’est pas sûr que l’empire survive », analyse un cadre maison qui estime que l’ensemble tient encore parce que d’énormes rentrées d’argent masquent certaines failles. D’ailleurs, le groupe Foyou, régulièrement évoqué dans les conversations du milieu des affaires, n’a aucune existence juridique, bien qu’employant près de 900 personnes.
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Plaçant la confiance au-dessus de tout, le self-made-man a révélé un trait de son caractère durant la reprise des différentes sociétés : sa propension à régler rubis sur l’ongle, quelles que soient les sommes en jeu. Samuel Foyou est ce qu’on appelle un homme d’affaires « liquide ». Dans les milieux économiques de Douala, on évalue ses avoirs dans les banques locales à une trentaine de milliards de F CFA. « Lorsqu’il rachète Plasticam au groupe Rossmann en 2001, ses partenaires, étonnés de recevoir le chèque de 7 milliards de F CFA dès le lendemain, ont regretté de n’avoir pas placé la barre plus haut », commente un ancien collaborateur.
L’autre force de Samuel Foyou, c’est son flair. Modeste tailleur à ses débuts, il fait ses premières armes dans les affaires à partir de la fin des années 1970, explorant les opportunités en Centrafrique puis dans l’ex-Zaïre avant de s’établir à Brazzaville au milieu des années 1980. C’est le début d’une fortune colossale.
Whisky à gogo
« Il a pris conscience de l’énorme besoin du Congo en certains produits qui étaient fabriqués dans son pays », raconte l’un de ses proches. Ainsi débute l’exportation massive vers le Congo de produits comme les spiritueux, les piles, les allumettes, etc. Pour Samuel Foyou, le marché suivant se nomme Angola, alors ravagé par une guerre civile. Il y applique la même méthode et vend du whisky à gogo.
C’est alors qu’il obtient du groupe Fotso, propriétaire de la société de spiritueux Fermencam, l’exclusivité pour l’exportation de ses produits vers ce pays. « Dans les années les plus florissantes, on pouvait annuellement acheminer 200 conteneurs de whisky, rien qu’à destination de l’Angola », soutient un cadre de Fermencam.
En 2006, Yves-Michel Fotso, avec la bénédiction de son père, lui cédera le contrôle de Fermencam, puis celui d’Unalor trois ans plus tard. Un sérieux coup de pouce dans l’ascension du patron camerounais.
Discret, Foyou déteste s’afficher en public. En 2009, il organise une visite ministérielle de ses usines. Qu’il suit depuis son village, accroché au téléphone…
Derrière ce parcours atypique, quelques mystères demeurent, que ni ses employés, qui le connaissent mal, ni Samuel Foyou lui-même, qui a repoussé les sollicitations de Jeune Afrique, ne peuvent totalement dissiper. Au Cameroun, ce membre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) – passage obligé pour la plupart des grands patrons du pays – se tient à distance des politiques.
Celui qui a construit son groupe à l’étranger n’est sous la protection d’aucun baron, se contentant de verser sa quote-part pour le fonctionnement du parti. En revanche, le plus grand mystère entoure sa relation avec la famille Mobutu ou l’Unita (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) de Jonas Savimbi. Sans parler du président congolais, Denis Sassou Nguesso, à qui il aurait vendu une de ses résidences de Brazzaville.
Le groupe Foyou, qui emploie près de 900 personnes, n’a aucune existence juridique.
Discret, Foyou déteste s’afficher en public. En 2009, il convainc Badel Ndanga Ndinga, alors ministre de l’Industrie, de visiter ses usines pour enrayer une campagne de dénigrement de ses produits. Le jour dit, ses collaborateurs jouent les guides et excusent l’absence du patron. Depuis Batié, où il est né, Samuel Foyou reste accroché au téléphone pour suivre les étapes du périple ministériel.
C’est dans ce village perché dans les collines du pays bamiléké que ce végétarien, père de quatre enfants, s’offre sa seule vraie sortie publique. Chaque fin d’année, il ouvre les portes de son domaine aux femmes et aux enfants de la contrée. Accompagné de ses proches et de ses collaborateurs – Angolais et Congolais sont du déplacement -, il distribue pagnes et victuailles. Une tradition qu’il perpétue depuis une décennie pour associer les siens à sa réussite.
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