DP World en pleine tourmente
Alors qu’il aligne les bonnes performances à travers le monde, en Afrique, le troisième opérateur portuaire mondial collectionne les ennuis et les scandales. Le dernier en date, à Djibouti, pourrait lui coûter cher.
Depuis un peu plus de dix ans qu’il a posé ses grues sur le continent, Dubai Port World (DP World), troisième manutentionnaire mondial, fait l’actualité malgré lui : grèves à répétition en Égypte, tensions avec les pouvoirs publics en Algérie, accusations de corruption à Dakar et, depuis un mois, à Djibouti. Avec ce dernier épisode, c’est la vitrine de DP World sur le continent qui risque de voler en éclats.
Le terminal de Doraleh, ouvert en 2008 en partenariat avec les autorités portuaires de Djibouti, affiche un trafic sans cesse croissant. Il a traité près de 750 000 conteneurs en 2013, et le projet d’extension attendu pour l’an prochain devrait faire entrer Doraleh dans le club très fermé des ports africains dépassant le million de boîtes par an.
Pots de vin
Mais d’ici là, DP World pourrait ne plus être aux commandes. Pris dans un règlement de comptes entre la présidence djiboutienne et l’homme d’affaires Abdourahman Boreh, l’ex-patron du port exilé à Dubaï, l’opérateur a été traîné début juillet devant la Cour arbitrale internationale de Londres. Ses dirigeants sont accusés d’avoir versé des pots-de-vin à un individu qui aurait détourné plus de 150 millions de dollars (112 millions d’euros) dans le cadre de ses fonctions. S’il est condamné, DP World risque de perdre son contrat de concession d’ici à la fin de l’année.
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Une affaire qui fait écho à celle de Dakar lorsque, début 2013, le nom de l’opérateur est rattaché à celui de Karim Wade. Le fils de l’ex-président sénégalais aurait lui aussi profité des largesses distribuées par la compagnie pour déloger le groupe français Bolloré des terminaux dakarois en 2008. Il fallut la rencontre au sommet organisée à Paris quelques mois plus tard entre le président Macky Sall et les plus hauts responsables de DP World pour voir le groupe retrouver son honneur en même temps que ses terminaux, placés un temps sous administration provisoire.
Eaux troubles
Au passage, l’opérateur a réglé les 37 millions d’euros qu’il devait à l’État sénégalais et s’est engagé à clarifier son montage financier, car il avait créé une structure domiciliée aux îles Vierges – un paradis fiscal – pour gérer ses activités au Sénégal. Car, bien qu’il s’en défende, l’opérateur navigue parfois en eaux troubles. « Le fait qu’il privilégie les accords passés de gré à gré plutôt que de répondre aux appels d’offres n’atteste pas d’une volonté de transparence à toute épreuve », souligne un expert maritime. Même si, à Djibouti comme à Dakar, les utilisateurs du port reconnaissent le bond réalisé en matière d’efficacité sur les terminaux estampillés DP World.
55 millions de conteneurs à travers le monde, c’est le trafic assuré par DP World en 2013, en baisse de 1,88% par rapport à 2012.
Dette colossale
Seuls les tarifs, « de 20 à 30 % supérieurs aux autres prestataires de la place », selon un professionnel de Dakar, et une certaine rigidité dans les négociations ternissent un peu le bilan opérationnel. Tout comme les promesses d’extension encore non tenues à Alger et Dakar.
Grevé par une dette colossale – 59 milliards de dollars selon la presse émiratie -, le groupe a en effet dû mettre un frein à sa conquête de l’Afrique, pourtant démarrée sur les chapeaux de roues, avec six terminaux acquis entre 2007 et 2008. Désormais, il entend se recentrer sur des méga-implantations à Rotterdam et à Londres, au Brésil et en Inde.
Reste que l’opérateur a quand même à coeur de redorer son blason sur le continent. Il a lâché du lest en Égypte devant les revendications salariales et maintient finalement ses projets à Alger et Dakar. Et à Doraleh – si les juges britanniques le veulent bien…
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